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La loi de finances du 30 mars et le décret du 1er août créèrent les compagnies des oasis ; et, dès octobre, avant même qu’elles fussent intégralement constituées, le fantôme des Touareg était, si l’on peut dire, pris corps à corps ; sous la rude étreinte, il apparaissait quelque peu inconsistant et semblait s’évanouir. Sous l’impulsion du capitaine Cauvet, chef de l’annexe d’In-Salah, les lieutenants Cotteret et Guillo-Lohan avaient porté en octobre-décembre 1902 deux coups terribles et qu’on aurait pu estimer décisifs ; on peut les considérer comme « le baptême saharien de la Compagnie du Tidikelt. » Mais il importait d’en tirer profit, de les exploiter, d’en extraire tous les avantages ; ils fussent demeurés isolés et improductifs si un homme n’eût pas apporté de la continuité dans les vues, de l’esprit d’initiative dans l’utilisation des forces sahariennes, une méthode, un corps de doctrine. Cet homme, c’est le commandant Laperrine.


L’ORGANISATION DES COMPAGNIES SAHARIENNES

Le commandant avait-il conçu lui-même les idées dont il se fit l’apôtre ? La mise en œuvre est totalement sienne. C’est à la réunion des deux éléments, les tirailleurs et les spahis, à l’utilisation des qualités des uns et des autres, à leur coordination, à leur amalgame, que nous devons la conquête effective du Sahara ; c’est à l’intelligente ténacité du commandant que nous devons la disparition de cet épouvantait saharien devant lequel nous étions restés hypnotisés et inertes pendant trente-cinq années.

Qu’est-ce donc que ces compagnies sahariennes qui ont accompli la tâche si vaste de « faire respecter les clauses des traités ou conventions imposés aux fractions conquises, mais tout nouvellement soumises et encore turbulentes, et de donner à nos sujets la protection qui leur était due contre les menaces permanentes des redoutables bandes insoumises ? »

Tout d’abord, les spahis et les tirailleurs deviennent, après fusion, des « goumiers militaires » que des éliminations successives débarrassent des éléments douteux ou mauvais, jusqu’au moment où il ne reste plus dans les compagnies sahariennes que des sujets originaires des tribus nomades habituées, par atavisme, à vivre de ce qu’on peut trouver dans le Sahara ou de ce qui peut y être facilement apporté.