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aux spahis soudanais, le capitaine Laperrine était-il mieux qu’un cavalier de race ? Avait-il acquis une maîtrise hors de pair, non seulement dans le maniement de ses hommes, mais encore dans le maniement des indigènes des tribus insoumises, sur les confins tunisiens, au Sénégal, au Haut-Fleuve, au Soudan, au Sahara, où il avait poussé une reconnaissance en pays touareg, une autre jusqu’à Taodeni ? Avait-il été plus qu’un brave dans dix combats à Ouallia, à Nio Gourera, à Yourli, à Diena, à Diaman, à Koufoulane, en 1890 et en 1891 ? Certes, chevalier de la Légion d’honneur dès le 5 avril 1892, le capitaine Laperrine avait obtenu une magnifique citation le 16 mars 1896 à l’ordre du jour des troupes de l’Afrique occidentale française : « A fait preuve, au combat d’Akren-Akren, de la savante audace qui était nécessaire pour mener à bonne fin une entreprise délicate, à la tête d’une troupe de faible effectif, loin de son soutien d’infanterie et de sa base d’opérations ; a su obtenir de sa troupe l’effort que réclamait la situation en prenant ses dispositions tactiques avec un remarquable à-propos et menant l’attaque avec une rare énergie. » Qui n’aurait aimé à collaborer avec un chef qui témoignait de qualités aussi variées que rares ?

Ainsi que l’avait prévu le lieutenant de Libran, le capitaine Laperrine fut rappelé au Sahara. Le 6 juillet 1901, il était, comme chef d’escadron, nommé commandant supérieur des oasis sahariennes. Or, voici ce qu’écrit un officier arrivé en 1904 au Sahara : « Le professeur Gauthier, de l’Ecole des lettres d’Alger, allait en mission scientifique et partait pour traverser le Sahara, pour ainsi dire, la canne sous le bras. Il n’avait, pour l’accompagner, qu’un petit groupe de méharistes, chargés d’aller prendre contact avec un détachement semblable de l’Afrique occidentale, en un point convenu d’avance. M. Gauthier devait être passé à ce dernier détachement. Bien mieux, ce groupe de l’Afrique occidentale française étant en retard et celui d’Algérie ne pouvant attendre à cause de l’épuisement de ses provisions, M. Gauthier était laissé en dépôt pendant une ou deux semaines, je crois bien, à une fraction de ces terribles Touareg. Il fut remis à l’Afrique occidentale française en parfait état !... » Le commandant Laperrine était venu et avait travaillé.

En effet, en mars 1902, le commandant, après de nombreux comptes rendus, avait définitivement condamné, dans un rapport, toutes les anomalies de l’organisation militaire saharienne.