Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/521

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

continuateur éminent du commandant Laperrine, était affecté aux tirailleurs sahariens, qui devaient, mettant à profit la prise d’In-Salah par la mission Flamand-Pein, procéder à l’occupation des oasis, conjointement avec l’escadron des spahis sahariens que rejoignait, sur sa demande, le second officier. Ce dernier, un lieutenant, venait des spahis soudanais où, maréchal des logis, il avait inscrit glorieusement son nom sur une page émouvante de notre histoire coloniale, aux côtés du lieutenant de Chevigné, mort dans le combat ; le lieutenant-colonel Baratier, dans ses Épopées africaines, a célébré ce fait d’armes héroïque. Tous les deux s’interrogèrent familièrement sur les motifs qui les amenaient vers ces régions qui n’offraient d’autre attrait que celui de l’inconnu. « Lorsque j’ai formulé ma demande, dit simplement l’officier de spahis, le lieutenant de Libran, c’était en 1898 ; le capitaine Laperrine était capitaine en second, depuis le 6 novembre 1897, du 1er escadron de spahis sahariens. C’est pour avoir l’honneur et la bonne fortune de commander sous ses ordres que j’ai choisi le Sahara. Depuis, le capitaine Laperrine est devenu chef d’escadron au 1er régiment de chasseurs. Mais on s’apercevra bien vite qu’il est, pour le Sahara, l’homme qu’il faut, le seul homme qu’il faille ; on l’y rappellera. » Et comme l’officier de tirailleurs s’étonnait de tant de robuste confiance et d’une foi aussi vive, le lieutenant de Libran, complaisamment, précisa ses dires : il avait servi aux spahis soudanais, sous Laperrine, qui en était alors capitaine commandant. Ce capitaine incomparable avait su donner à ses cavaliers noirs « une solidité, un esprit, un mordant, » qui, dans l’affaire où avait péri le lieutenant de Chevigné, les avaient égalés à la cavalerie du premier Empire.

Quelle était sous cet enthousiasme la part de la vérité ? Le capitaine Laperrine méritait-il de se détacher ainsi, en haut relief, du groupe de ces officiers coloniaux légitimement orgueilleux et fiers de leur rôle, et capables, tous, d’abnégation, d’initiative intelligente et d’héroïsme ? N’y avait-il pas là seulement une de ces irrésistibles sympathies qui attachent un soldat à un autre soldat sans considération de grade et qui les soudent l’un à l’autre, à la vie, à la mort ? Le capitaine Laperrine était-il plus qu’un capitaine, plus qu’un chef ? Successivement sous-lieutenant au 4e régiment de chasseurs d’Afrique, lieutenant de spahis, lieutenant à l’escadron du Sénégal, capitaine de dragons, capitaine