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Abdelhakem, et les alentours de ces puits, aussi loin que portaient les fusils des tirailleurs. Au delà, le vaste bled restait ouvert aux nomades et aux pillards.

Les spahis, leurs frères ennemis, jouissaient-ils d’un traitement plus favorable, et, pourvus de montures, pouvaient-ils se donner de l’air ? Leur sort était semblable, et semblable leur inaction. L’escadron restait confiné, face au Gourara et au Touat, dans un « fort » de même farine, nommé Mac Mahon, qui commandait le puits de El-Homeur. Cependant, des soldats habitaient les gourbis contigus, et les mehara étaient autorisés, par nécessité, à aller pâturer dans le voisinage, mais le plus près possible du fort. Les pillards n’étaient-ils point à redouter ? Et, de fait, en 1898, un djich de quelques hommes enleva les mehara à quelques kilomètres du fort et les emmena sans être inquiété.

Ainsi, aux portes du Sahara, vers l’année 1900, la France marquait le pas. Des missions scientifiques s’enfonçaient dans le désert ; l’autorité militaire restait figée. Lorsqu’elle se décidait à un effort, elle s’y dépensait sans méthode, sans continuité, sans persévérance, spasmodiquement, pourrait-on dire. Un de ces efforts la conduisit, à la suite de la mission Flamand, à mille kilomètres d’Alger, à In-Salah, où le capitaine Pein s’installa après de vigoureux combats ; le Gourara, le Touat et la Saoura subirent notre occupation. Mais l’autorité militaire était à bout de souffle et à bout d’argent. Deux ans après, les officiers chargés de purger et de pacifier ces vastes territoires étaient contraints à « rester enfermés, moralement assiégés dans leurs casbahs, avec défense d’en sortir sous aucun prétexte, n’en ayant d’ailleurs pas les moyens, et ne sachant rien de ce qui se passait au delà de leur champ visuel. » Un fait entre dix : une harka de deux à trois mille hommes vint, un beau matin, attaquer la casbah de Timimoun. Elle avait pénétré au milieu de la cour avant que personne, « dans son champ visuel, » l’eût aperçue, sans que personne eût pu, d’un autre point, signaler son existence.

Cette confusion, ces piétinements, ces demi-mesures allaient-ils prendre fin ?


LE COMMANDANT LAPERRINE

En 1900, deux officiers, voyageant de conserve dans le Sud-Algérien, lièrent conversation. L’un d’eux, le lieutenant Fournier,