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nouvelle ne parvenait d’elle, on n’osait dire qu’elle était perdue anéantie, engloutie elle aussi par le gouffre mystérieux, « Mais à aucun prix, on n’aurait envoyé soit sur ses traces, soit au-devant d’elle, le moindre détachement de reconnaissance. »

Pourtant, depuis 1894, il existait dans l’Extrême-Sud algérien des troupes que l’on avait créées tout spécialement pour les adapter à des conditions de vie et de mouvement qui n’avaient nulle part ailleurs leurs équivalentes. C’étaient, d’une part, les tirailleurs sahariens, une troupe à pied, de l’autre, les spahis sahariens, montés à méhari. Il importait de coordonner leurs efforts, d’harmoniser leurs gestes, et cette création eût été parfaite. Elle fut victime des mots : puisqu’un tirailleur était un fantassin, il fut rattaché à l’infanterie dont on lui attribua le mode de recrutement, la composition, l’armement, et dont on lui imposa la manœuvre ; et on rattacha à la cavalerie le spahi saharien, parce qu’il était monté à méhari et, qu’après tout, le dromadaire est, comme le cheval, un quadrupède. Les conséquences, dès lors, apparaissaient : il ne pouvait y avoir aucune collaboration, aucune concordance, ni dans les vues, ni dans les opérations de ces deux éléments totalement différents ; ils devinrent étrangers l’un à l’autre, parfois antagonistes.

Pourtant, les uns et les autres brûlaient de se signaler. Les chefs qui recevaient un commandement dans l’Extrême-Sud algérien étaient avides « de faire quelque chose, de marcher, de courir les aventures. » Mais les sphères supérieures voulaient seulement avoir l’air d’agir, alors qu’elles s’en gardaient soigneusement par peur de ces aventures dont se montraient friands les officiers des troupes sahariennes.

Aussi, pendant six années, les opérations des tirailleurs s’étaient-elles bornées à faire des « sur place, » après qu’ils eurent occupé deux constructions, Miribel et Inifel, face au Tidikelt. Pompeusement, les autorités supérieures avaient dénommé « forts » ces bâtisses. Dans la réalité, ces « forts » commandaient respectivement les puits de Chebbaba et de Sidi