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son Gouvernement ne modifie pas, tout au moins moralement, les obligations qui résultent pour la France des accords de 1904 et de la reconnaissance du Protectorat en 1914 ; c’est un devoir d’amitié pour les Français de s’en tenir à l’esprit de leurs engagements. Ils sont en ce moment populaires en Egypte en raison même de l’impopularité des Anglais ; il serait malséant de chercher à en profiter pour y accroître notre influence politique ; il peut surgir de là des difficultés qu’il faudra s’attacher à prévenir. — La question du canal de Suez intéresse toutes les nations maritimes. Le traité de Sèvres fait de l’Angleterre l’héritière de tous les droits de police et d’occupation militaire sur le canal et ses abords qui, en vertu de la Convention de Constantinople de 1888, appartenaient au Khédive d’Egypte et à son suzerain le Sultan de Turquie. Mais le traité de Sèvres n’est pas en vigueur et l’Angleterre, par l’abolition du Protectorat, cesse d’être substituée aux droits jadis reconnus au Khédive. L’Angleterre ne peut pas disposer du canal d’après sa seule volonté et sans l’agrément des signataires de la Convention de Constantinople. Il y a là une question de droit et une question de fait qui devront être réglées par voie diplomatique. — La renonciation de l’Angleterre à son protectorat sur l’Egypte ne saurait manquer d’entraîner, dans tous les pays d’Islam, des répercussions considérables, en Tunisie par exemple et surtout en Syrie. Une négociation générale est engagée entre l’Angleterre, la France et l’Italie pour régler toutes les questions pendantes en Orient ; une conférence va se réunir le 21 mars à Paris pour préparer une solution générale du problème ; nous serons amenés, dans cette chronique, à y revenir. La faute de n’avoir pas, plus tôt, signé et réalisé la paix avec la Turquie pèse sur toute la politique britannique depuis les Indes jusqu’en Egypte. Il n’a jamais été plus nécessaire que la France, l’Angleterre et l’Italie pratiquent en Orient une politique qui s’inspire des mêmes principes et des mêmes méthodes. La question turque se lie au problème russe ; c’est tout le statut de l’Europe orientale et de l’Asie occidentale qui est à refaire : c’est la grande et difficile tâche de demain.


Intérim.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC.