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le texte est étudié avec la préoccupation de ne créer aucune contradiction, même apparente, entre le pacte et les traités qui sont la base du droit public ; nous souhaiterions qu’il fût très bref, se bornant à une affirmation d’étroite solidarité politique et militaire, entre les deux pays, pour le maintien et l’exécution des traités, et que cette solidarité s’affirmât promptement par des actes. Dirons-nous que M. Poincaré a remporté à Boulogne un succès ? Pour qu’il y ait succès, il faudrait qu’il y ait eu conflit ; or, à Boulogne il y eut seulement échange franc d’observations et accord sur tous les points ; les deux Présidents sont revenus également satisfaits des résultats acquis. S’il y a eu succès, — incontestable celui-là, — c’est pour la cause de l’entente franco-britannique. Un grand journal de Paris a dit qu’à Boulogne M. Poincaré avait heureusement rattrapé le temps perdu depuis Cannes ; ce serait le cas de lui répondre, avec la charmante sous-préfète du Monde où l’on s’ennuie : « le temps perdu est bien souvent du temps gagné, a dit M. de Tocqueville. » Depuis que M. Poincaré est au gouvernail, la politique française n’a pas varié dans ses directions, elle a changé dans ses méthodes. C’en est fini des improvisations qui nous ont si mal réussi à Washington et qui, à Cannes, nous avaient conduits au bord du précipice. Entre un entretien comme celui de Boulogne, préparé par un travail diplomatique, bref, précis, serré, aboutissant à un petit nombre de conclusions fermes, et des conférences comme celle de Cannes, il y a toute la distance qui sépare une méthode raisonnée de l’absence de toute méthode.

Les résultats apparaissent déjà. Le pays qui s’alarmait et s’agitait dans la mesure même où la presse officieuse essayait de l’endormir, a repris son calme et son labeur tranquille. La Conférence de Gênes, si elle est encore attendue avec scepticisme par ceux qui savent qu’il ne suffit pas de quelques résolutions, si judicieuses soient-elles, pour réparer tout le désordre économique de cinq années de guerre et tous les désastres de quatre ans de gouvernement bolchéviste, n’est plus redoutée comme un traquenard par l’opinion publique ; elle sait maintenant que la Conférence sera préparée, dirigée, que la France, l’Angleterre, l’Italie et la Belgique d’une part, les États de la Petite Entente accrus de la Pologne et des États baltes de l’autre, sont décidés à ne pas laisser les débats s’égarer et dévier de leur objet. Du coup, la Conférence intéresse beaucoup moins les bolchévistes, les Allemands et même, en Angleterre, la presse de M. Keynes. Tous les pêcheurs en eau trouble ont une déception. Le Lokal Anzeiger, l’un des organes conservateurs, est particulièrement significatif : « Pourquoi maintenant