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à rétablir la prospérité d’autrefois dans ce malheureux pays. Avec plus d’autorité que personne le Président du Conseil tchécoslovaque pouvait affirmer au chef du grand consortium impérial britannique que l’entente franco-anglaise est la condition première de la stabilité de l’Europe continentale, que cette entente, mieux que par des textes, doit s’exprimer par des actes et que la Conférence de Gènes sera précisément l’occasion où elle doit manifester sa solidité et prouver son efficacité. Si les Étals de l’Europe centrale peuvent avoir, entre la France et l’Angleterre, leurs préférences et leurs affinités particulières, ils souhaitent par-dessus tout de n’être pas acculés à une option douloureuse pour leur conscience, désastreuse pour leurs intérêts. Bref, M. Benès a été l’heureux intermédiaire d’un rapprochement, non pas entre les personnes de M. Lloyd George et de M. Poincaré, qui n’avaient jamais été éloignées l’une de l’autre, mais entre les points de vue un peu divergents des deux politiques française et britannique.

L’entretien de Boulogne est sorti de là. Le samedi 25 février, M. Lloyd George et M. Poincaré se sont rencontrés et, pendant trois heures d’une conversation très cordiale et très serrée, ont examiné les difficultés pendantes. L’objet principal de cet entretien fut la Conférence de Gênes ; le mémorandum de M. Poincaré, — que nous avons analysé ici il y a quinze jours, — servait de cadre au débat. Le résultat a été, sur les huit points principaux, l’adhésion de M. Lloyd George aux réserves et aux précisions formulées dans la note française. La date de la Conférence a été fixée au 10 avril et sera probablement retardée encore de quelques jours en raison des fêtes de Pâques ; délai court, mais à la rigueur suffisant. Les experts doivent se réunir le 10 à Londres ; ceux de la Petite Entente y seront entendus à titre consultatif ; un programme précis sera établi. Les traités en vigueur ne seront en aucun cas mis en question, pas plus que le problème des réparations ; la Société des Nations aura son rôle nettement défini dans la réalisation des décisions prises à Gênes.

L’acceptation des réserves et précisions formulées par M. Poincaré entraîne l’adhésion définitive de la France à la Conférence de Gênes, et c’est pour M. Lloyd George une satisfaction importante. Ainsi ce sont les « naufrageurs » de France, — qui devaient, à en croire la presse radicale anglaise, « couler » la Conférence, — qui en assurent la réalisation et en préparent le succès. La question du pacte n’a été, faute de temps, qu’effleurée, bien que M. Lloyd George se fût, dès l’abord, montré disposé à la discuter ; la négociation est d’ailleurs en bonne voie : le principe de la réciprocité des engagements est admis ;