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Chronique 14 mars 1922

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

M. Édouard Benès, président du Conseil, de la République tchéco-slovaque, est un homme d’État : on le reconnaît à ce trait qu’il sait associer une imagination hardiment novatrice et constructrice au juste sentiment des réalités présentes et de leurs racines historiques. Il n’était ni parlementaire ni diplomate, mais simple professeur, quand les remous de la grande tempête le portèrent au premier rang dans sa patrie affranchie et le mirent à même de donner sa mesure. Depuis bientôt quatre ans il poursuit, avec un bon sens supérieur, une volonté toujours tendue sans être jamais roide, une œuvre de reconstruction, de consolidation, de pacification, dans l’Europe continentale. Son récent voyage à Paris, à Londres et, derechef, à Paris, a été pour lui l’occasion de rendre, à la cause européenne à laquelle il s’est voué, un inestimable service. Dans ses entretiens avec M. Poincaré et M. Lloyd George il put aisément constater que les vues des deux Présidents étaient moins divergentes qu’on n’avait cherché à le faire croire. L’intelligence pénétrante du Premier britannique n’est pas réfractaire, quand ses passions personnelles ou son intérêt politique ne sont pas immédiatement en jeu, à une argumentation raisonnable inspirée par un souci juste du bien général ; M. Benès n’eut pas de peine à le convaincre que le moyen le plus sûr et le plus rapide pour reconstruire l’Europe économique et favoriser la reprise du commerce n’est pas de torpiller d’abord l’Europe politique en remettant en question les traités signés et ratifiés et en s’acharnant à diminuer leur autorité au lieu de la renforcer. Il ne saurait y avoir, pour les nouveaux États issus des traités, de sécurité et de progrès économique que s’il est d’abord bien entendu que ces traités sont intangibles et le statut territorial définitif. M. Benès, au nom de son pays et de la Petite Entente, était particulièrement qualifié pour une telle démonstration, de même que ses informations très précises sur la situation de la Russie le mettaient en mesure d’indiquer à ses hauts interlocuteurs les voies les plus sûres pour parvenir