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ou mangé par les vers ou kysteux, une chose reste certaine : la perle n’est qu’une monstruosité pathologique. Difformité maladive et répugnante en deçà de la coquille huitrière, joyau divin au delà ! Vérité, voilà bien de tes coups !

Malgré son origine morbide, la perle ne mérite point le dédain, car elle est belle. Les irisations suaves des perles paragonnes où l’œil retrouve toutes les nuances de l’arc-en-ciel, tous les chatoiements si doux d’un jet d’eau qui déferle dans un ciel gris d’automne, sont dus au même phénomène optique qui cause les teintes magiques des bulles de savon : les interférences de la lumière qui se produisent, comme Newton l’a montré, dans les lames très minces et transparentes. La perle est constituée en effet par des couches très fines de calcaire, qui font assez ressembler sa coupe à celle d’un oignon. La méléagrine fournit aussi la nacre de ses coquilles qui ira orner les tables de marqueterie, les souples éventails, et, — comble d’honneur, — l’épée majestueuse et anodine des académiciens.

La mort de la perle est due à une attaque de sa surface calcaire sous l’injure des agents extérieurs, surtout des acides. Comme les sécrétions des plus belles peaux du monde sont acides, le contact de ces épidermes charmants est pour les perles une longue agonie.

Certaines personnes trop raisonnables penseront que si la formation des perles est un phénomène pathologique, leur achat en est un aussi. Elles auront tort. Nos élégantes savent que, nées comme elle de l’écume marine, les perles doivent être consacrées au culte d’Aphrodite. Elles ont, j’en suis sûr, trop de noblesse dans l’âme pour vouloir, lorsqu’elles se mettent un licol de joyaux, seulement étaler leur richesse et humilier leurs sœurs qui n’ont point de mollusques à leur disposition. Elles ont une pensée plus raffinée et plus artiste et qu’il serait peu galant de croire inconsciente : le culte de l’inutile lorsqu’il est beau, le sentiment qu’il n’y a rien au monde de plus utile que l’agréable.

C’est une façon comme une autre d’être idéaliste et il y a plus d’un trait d’union entre les amantes des perles et les pécheurs de lune. D’ailleurs, la lune elle-même, lorsque la nuit la dépose toute ronde, sur un écrin de suie veloutée, n’est peut-être après tout qu’une perle nacrée de bleu et de rose, mise à la devanture du divin joaillier pour la tentation des filles d’Eve. Plus d’une déjà a dû rêver qu’elle saisissait soudain cette perle suave qui pèse un nombre incalculable de carats et quatre fois plus encore de grains, et que toutes les dames de la ville en desséchaient de jalousie . O bonheur !