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résidences, — peut avoir plusieurs amis. Je connais une charmante personne qui en a deux, l’un pour la période des vacances, l’autre pour le reste de l’année. Tous deux voudraient bien devenir fiancés. Mais elle n’a pu jusqu’ici prendre un parti et elle les maintient dans l’état neutre d’ami en attendant qu’une inspiration l’aide à faire son choix. Le moins favorisé est naturellement le premier, puisqu’il ne peut voir sa girl que trois mois sur douze. Le reste du temps il n’a pour communiquer avec elle que la poste, le télégraphe, le téléphone et le « spécial » ou lettre express, — tous moyens dont il fait un usage fréquent et simultané. L’autre peut lui rendre visite chaque jour, et il ne s’en prive pas, plusieurs fois par jour. Il passe toutes ses soirées chez elle, à deviser ou à lire. Cela dure depuis deux ans, et la jeune fille est toujours indécise entre ses deux « beaux. » Elle est d’ailleurs parfaitement vertueuse. Détail significatif, elle appartient à une secte qui proscrit la danse et le jeu comme plaisirs sataniques.

C’est à la lumière de ces explications qu’il faut considérer le prom qui, en ce moment, déroule ses fastueuses splendeurs. Ces jeunes gens, en recevant à grands frais leurs amies ou leurs fiancées, ne font rien que de très courant. Après cinq mois de labeur, pendant lesquels ils ont surtout vécu entre hommes, ils veulent mettre une transition charmante entre le premier et le second semestre, en respirant pendant un instant la beauté féminine comme on s’enfouit passionnément le visage dans un bouquet de roses. Et cela ne conduira qu’à quelques mariages. C’est toute une conception de la jeunesse, de la vertu, du vice, de la vie même qui est ici mise en pratique. Le plus curieux en cette affaire, c’est que je constate cette coutume dans ce petit coin de la Nouvelle-Angleterre où régna jadis la religion la plus morose et sur lequel flottent encore tant de souvenirs puritains.


DERNIÈRES IMPRESSIONS

Mes cours sont terminés. C’est avec un serrement de cœur que je m’arrache à cette Université dont il me semble que j’ai toujours fait partie. Et peut-il en être autrement, quand j’ai trouvé chez tous la plus chaude des sympathies et un désir constant de combler l’hôte étranger ? Je me suis laissé griser