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frileusement enveloppées de fourrures, elles s’aventurent sur le Campus, regardant avec de grands yeux admiratifs les monuments de l’Université, pendant que leur cavalier empressé discourt d’un air radieux et important. On ne voit que couples souriants et chuchotants, discrètement suivis par le chaperon qui règle son pas de façon à jouer son rôle sans pourtant trop gêner les confidences d’un autre âge. Aux abords de l’Université se déroule une idyllique fête galante qu’un Watteau moderne devrait peindre.

Le prom atteint son point culminant dans un bal offert par les étudiants. Pour cette occasion, le réfectoire est orné à grands frais. Car chaque promotion tient à honneur de faire mieux que la précédente. Cette année, on a appelé un fleuriste de New-York qui a transformé la salle en une immense serre où les fleurs les plus rares se mêlent aux arbustes avec une profusion presque excessive. Et dans ce cadre estival, créé en plein hiver à coups de dollars, c’est la vision la plus gaie, la plus riche, la plus bigarrée, de couples dansant par centaines les obsédants one-steps et fox-trots dont on me dispensera de décrire les grâces un peu lourdes.

J’ai idée que les gens graves voient ces divertissements d’un œil peu satisfait. Ils les subissent, car les désirs des étudiants font loi. Mais ces distractions cadrent mal avec le sérieux de l’endroit. Et puis, c’est pour ces jeunes gens une occasion de folles dépenses. On m’a cité le cas d’étudiants peu fortunés qui s’étaient endettés pour plusieurs années de leur vie. Cette fois, on a donné l’autorisation à la condition que les réjouissances dureraient seulement deux jours. Mais il est difficile d’empêcher les thés, les parties de traîneaux, les cotillons et autres distractions où des femmes habituées à se voir aduler exigeront que l’on soit aux petits soins pour elles.

Enfin peut-on assister sans appréhensions à ces rapprochements entre jeunes gens inexpérimentés et jeunes filles trop jolies pour n’être pas un peu coquettes ? A Yale, comme dans la plupart des collèges de l’Est, la co-éducation chère à l’Ouest est proscrite. Seules la Graduate School, l’Ecole de Droit, l’Ecole de Médecine admettent des étudiantes, une soixantaine en tout. Le Collège est demeuré inexpugnable. Il n’y a même pas, comme à Harvard, un collège spécial pour jeunes filles. La femme est restée une douce ennemie que l’on aime mieux tenir