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sur la pelouse, de s’élancer pour saisir ce ballon qui, indifférent à ce délire, continuait à vagabonder de çà et de là. Du côté de Princeton, on encourage les siens ; du côté de Yale, on gourmande les joueurs qui, médusés, semblent avoir perdu l’usage de leurs membres. Ceci ne dura que quelques secondes, mais on eut l’impression qu’un siècle s’écoulait, tant la tempête, qui rugissait autour de ces vingt-deux jeunes gens, était véhémente et furieuse.

Enfin, les deux teams se ressaisissent, et s’élancent. Un joueur de Princeton arrive le premier, saisit le ballon et, sous les yeux des spectateurs figés dans l’attitude où les a surpris ce geste, va en une course folle s’effondrer sous le but adverse, juste au moment où un de ses adversaires le prenant par la jambe le faisait basculer. Princeton, sur ce coup de chance, a gagné !

Décrire l’enthousiasme dans le camp des vainqueurs est impossible. Les partisans de Princeton, qui étaient venus au nombre de plusieurs milliers, bondissent sur la piste par-dessus les gradins. Une « danse serpentine » s’organise. Leur fanfare, en tête, joue les vieux airs de l’Université victorieuse. Les étudiants suivent, par rangs de quatre, bras dessus bras dessous, dansant, gesticulant, chantant, lançant leurs chapeaux en l’air et ne se fatiguant pas de dérouler sur le gazon battu par la lutte ce serpent triomphal qui se tord, se redresse, s’entoure de ses propres replis jusqu’à ce que soit calmée toute la passion accumulée pendant le jeu et débordant maintenant en une joie frénétique.

Cependant sur l’énorme rocher de grès rose le soleil couchant allonge la caresse de ses rayons obliques et fait une rutilante apothéose à la victoire des Tigres. A aucune heure de la journée ce cadre de nature n’a été plus grandiose. Mais, dans cette innombrable foule, je suis peut-être le seul à en sentir la radieuse beauté, tant chacun est absorbé, et comme abimé, en ses pensées de triomphe ou de défaite.


L’ESPRIT DE SOLIDARITÉ UNIVERSITAIRE. — CLUBS ET ASSOCIATIONS

Mais d’où vient que ces milliers de spectateurs, depuis le freshman nouvellement inscrit jusqu’à l’alumnus. qui a presque perdu le souvenir du temps où il était adolescent, ont suivi le