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sont pas d’une haute valeur littéraire. Le rythme en est quelque peu incertain et les sentiments manquent de complication. Mais elles suffisent pour entretenir l’enthousiasme et elles trahissent, tout au moins, de fortes convictions.

La ville, à son tour, est gagnée par la fièvre. Elle se prépare à recevoir les étrangers qui vont affluer par milliers. Les magasins se font alléchants et mettent toute sorte de coquetteries dans leurs étalages. Des souhaits de bienvenue sont chevaleresquement affichés à côté d’insidieuses invites à emporter des souvenirs de la grande journée. Des spéculateurs font le trafic des billets qu’ils cèdent à des prix fantastiques : on va jusqu’à cent dollars, m’affirme-t-on. Des scènes curieuses ont lieu. En voici une bien caractéristique. Il est huit heures du soir. Près du grand hôtel à la mode, sous la clarté aveuglante des globes électriques, deux hommes discutent. L’un montre les précieux cartons qui donnent admission dans l’enceinte. A sa mimique, l’on devine qu’il vante les avantages de la place. Mais l’autre fait la grimace, cependant que se lit sur son visage l’envie qu’il a de posséder ces billets. Il les examine, les tourne, les retourne d’un air désespéré. Soudain, il envoie un vigoureux coup de poing dans la figure de son interlocuteur et, pendant que l’homme, étourdi, roule à terre, il fuit à toutes jambes et se perd dans la nuit.

Enfin le grand jour arrive ! L’animation est maintenant à son comble. De bonne heure, les trains commencent à déverser des multitudes. Par toutes les routes qui conduisent à New Haven, — routes de Hartford, de Boston, de New London, de New-York, — arrivent des automobiles transportant d’autres spectateurs. A la barrière de Milford, où passent la plupart des visiteurs venus de Princeton, c’est un encombrement indescriptible. Les gigantesques policemen qui dirigent, imperturbables, ce trafic, ont fort à faire. D’ailleurs, on a appelé des escouades de renfort de tous les grands centres, de New-York, de Boston, de Providence, de Newark et même de Philadelphie. Cette précaution n’est pas inutile, car la ville est bientôt tumultueuse d’agitation. Les rues sont pleines de gens qui affichent fièrement leur préférence en portant à la boutonnière, ou au corsage, la couleur du team favori : jaune orange pour Princeton, bleu pour Yale. Bien avant midi, les rues qui mènent au Bowl sont couvertes de piétons qui vont prendre position aux endroits d’où ils pourront