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trinité fameuse dont les rencontres mettent fin à la saison de football avant que l’hiver recouvrant le sol d’une couche de glace rende ce jeu impossible. Cette année Princeton viendra, se mesurer à New Haven avec Yale, puis Yale ira à Cambridge se mesurer avec Harvard. A mesure que cet événement approche, l’excitation ne cesse pas d’aller grandissant. On ne parle pas d’autre chose, on ne pense pas à autre chose. L’équipe a redoublé son entraînement et, chaque après-midi, on peut l’admirer quand elle se rend sur le terrain, dans un tramway qui lui est réservé. Elle se compose de géants, à l’encolure de taureau et aux membres énormes que fait paraître encore plus monstrueux le rembourrage des vêtements. A les voir, la tête énergique enfoncée dans la carrure de leurs épaules, les jambes en compas solidement agrippées au sol, on se sent devant une autre espèce humaine dont les violences doivent être irrésistibles.

En ce moment, ce sont les héros de l’Université. Leur santé, leurs exploits sont l’objet de la préoccupation de tous. Le team est-il en forme ? Le bruit court que X..., l’un des meilleurs avants, est malade : c’est une catastrophe. Et que font leurs adversaires qui portent le surnom redoutable de Tigres ? Ont-ils des chances de vaincre les bouledogues de Yale [1] ? Un match entre Princeton et Harvard a été indécis et c’est un sujet de grosse inquiétude. Mais, en revanche, toute sorte de bruits rassurants circulent. M. G. T. et S..., du camp opposé, sont à bout, et ils ne résisteront pas au « terrifique broiement des Yalemen. » Il a plu la semaine dernière, et un sol humide sera certainement désavantageux à l’équipe de Princeton, supérieure surtout dans la course. Et puis, ajoute-t-on mystérieusement, les bouledogues travaillent en secret ; le jour du combat, ils inaugureront une tactique qui déconcertera leurs adversaires. Ainsi la confiance s’affirme. On ne s’arrête pas aux hypothèses défavorables. Peut-on admettre l’idée d’une défaite !

Cette confiance les étudiants l’expriment bruyamment. Ils manifestent presque journellement leur foi par des cortèges. En foules extasiées, ils accompagnent le team ; ils parcourent le Campus, poussant leur cri de guerre et tournant en dérision leurs adversaires. Les chansons dont on accable l’ennemi ne

  1. Yale a comme mascotte un bouledogue.