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de développement. « It will be a wonderful opportunity, » « ce sera une merveilleuse occasion, » me disant-ils, les yeux brillants d’espoir. Ils partent sur la route qui leur est ouverte comme pour un voyage d’exploration où ils comptent rencontrer de stimulantes aventures. Et, non sans émotion, je découvre que ma qualité de Français est pour quelque chose dans leur enthousiasme. La France est aujourd’hui haut placée dans l’estime des intellectuels américains. La Marne, Verdun, Joffre, Foch ne sont pas de simples noms ; ils sont devenus des symboles de nos vertus et de nos qualités nationales.

Toutes ces pensées, je n’ai aucune difficulté à les démêler. Car l’étudiant américain est un livre ouvert pour son maitre. Et c’est précisément ce qui me séduit. Rien de plus charmant que les rapports entre professeur et élèves. Point de barrière morale. Lui ne se retranche pas dans la pensée de sa supériorité et eux ne se croient pas tenus à la timidité ou au respect. Une familiarité naturelle, spontanée, règle toutes les relations qui s’accompagnent de confiance mutuelle et d’affection.

Dans cette atmosphère de camaraderie, .l’intimité intellectuelle peut s’établir à son aise et même se faire tyrannique. L’étudiant a l’habitude de considérer le professeur comme un guide à qui il doit avoir recours en toute circonstance. Depuis la bibliographie d’un sujet à préparer, jusqu’au choix des lectures, tout est matière à consultation. Chaque professeur a un bureau à l’Université et des heures de réception pendant lesquelles son « office » ne désemplit pas. Car il est le sage dont la parole doit résoudre toutes les difficultés.

J’ai entendu des professeurs se plaindre de l’importance excessive de leur rôle : ils trouvent que leur vie est un peu trop exclusivement à la disposition de ces disciples exigeants. Je dois dire, pourtant, que la plupart m’ont paru aimer sincèrement cette besogne de conseillers, par devoir d’abord, et par plaisir ensuite, parce que, disent-ils, cela les maintient en perpétuelle jeunesse. Je ne sais qui a raison. Mais, du point de vue particulier de l’étudiant, le système a ses inconvénients. Il favorise la paresse, faiblesse naturelle à l’homme. A force de compter sur le soutien des autres, on finit par oublier de compter sur soi-même. Mon expérience me dit que, pour toutes les choses de l’esprit, l’étudiant américain est trop docile. Il a en vous une foi exagérée qui émousse chez lui l’acuité du sens critique et le