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tion de la lune sur les liens et sur les pousses… Il faut se garder de couper ces liens avec la nouvelle lune, s’ils sont de chêne, et s’ils sont de noisetier, de saule, de bois blanc, avec la lune faite, ancienne. Ils ne se laissent point tordre, ils rompent infailliblement. Donc, couper ceux-ci pendant le premier quartier, ceux-là après. Mais des liens se remplacent ; il n’en va point de même pour les pousses. Et des pousses mal orientées en naissant le restent toute leur crue. Bien entendu, leur force, leur épaisseur, leur valeur pâtissent grandement de ce mauvais départ. Or, toute souche rasée avec la nouvelle lune n’émet que des pousses horizontales. Aucune tige droite, perpendiculaire, n’en saurait jaillir. En conséquence, il est capital de ne point commencer l’abattage avec la lune neuve, comme de l’interrompre au moment de chaque renaissance, d’attendre que l’astre soit franchement « passé » au moins par le premier lundi ou vendredi. Les rejets à peine nés en effet fléchissent : tissu herbacé encore, fragile, inconsistant au possible. Ils se couchent, fuient parallèlement au sol, comme s’ils voulaient échapper, se soustraire à une influence maligne. Et lorsqu’ils se lignifient, mettent des feuilles, celles-ci sortent chétives, décolorées, privées pour toujours de ce beau ton vert-sombre des rameaux séveux. Quelques-unes tournent au gris-argent, pareilles à des flocons de laine abandonnées là par un troupeau errant. À travers tout le firmament, le rayon de la planète pèse sur ces ramures, le rayon dévorant qui ronge les pierres exposées au Levant…

Le taillis sera tout entier par terre en avril, avant la pousse, de crainte de la retarder. Les hommes travaillent du matin au soir. Tout de suite, en débutant, ils ont attaqué la pièce derrière un pli de terrain, à l’abri du vent d’Ouest, vent de la pluie chez nous. Ils ont laissé là le premier baliveau, façonné là les premiers faissonnats, et bâti avec eux une hutte, en les appuyant contre l’arbre, comme pour la vente. Et, afin de rendre étanche ce toit, ils ont garni les interstices des branches de thuie-fine et de fougères, agencé un chaume où le jour filtre à peine. Ce petit enclos est leur réduit. Ils y dînent à midi, assis par les beaux jours sur le revers du relief, et, s’il pleut, sous la hutte. Ils s’y réfugient en cas d’averses persistantes, ils y allument de petits feux pour cuire un œuf sous la cendre.

À l’ordinaire ils mangent froid et gras. C’est l’époque où dans les maisons on a saigné les oies et « pelé » le cochon. Lors-