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étoffe de choix, souple et chaude, légère, nommée « cazeheyt, » proprement : « fait chez soi, » où l’on coupait leur habit de mariage et d’enterrement. Les noces finies, on le mettait de côté, toute la vie, pour servir une dernière fois dans le tombeau. Quelle signification prenait cet humble vêtement associé à deux grands moments de l’existence : celui où l’on promet et reçoit l’amour, celui où l’on rend son âme !…

Enfin, voici les contrats liant le maître envers ses ouvriers et ses métayers, et ceux-ci envers lui. J’indique tout de suite qu’il y a une différence essentielle entre ceux qui concernent les ouvriers, salariés à l’année, et ceux qui regardent les métayers, véritables associés, vivant de père en fils dans la familiarité du maître. À l’alinéa ouvriers ou « brassiers, » toute une réglementation d’heures de travail est établie. Nous y recourons encore. Elle suit, le long de l’année, la croissance et la décroissance de l’astre, avec des dates fixes, jours de fêtes de saints souvent, comme point d’avance ou de recul du temps de présence. La journée s’étire de 8 heures en hiver à 12 et 13 en été. Chose curieuse, non seulement le moment, mais encore la durée des repas et leur nombre sont arrêtés. À partir du 15 mars, par exemple, on déjeune à 8 heures, et l’on a trois quarts d’heure ; à partir du 4 mai, une heure ; et, pour le goûter, à ce même mois, trois quarts d’heure à 4 heures et demie, tandis qu’en septembre on ne goûte plus. Et de même, je veux dire même réglementation, pour le dîner. Cela était fondé sur la peine que prenait l’ouvrier, sur la sueur qu’il versait, afin qu’il trouvât, par le repos et la nourriture, une réfection proportionnelle. L’homme en ce temps semble plus près de l’homme… Les contrats signés avec les métayers prenaient le nom, solennel presque, « d’actes de bourdalerie, » de « bourdalé, » métayer. Ils sont l’énumération minutieuse des droits et des devoirs réciproques du bailleur et du preneur dans l’exploitation de la terre dont ils vivent. La liste en est plus complète que de nos jours, révélant une connaissance réfléchie du fond humain. L’esprit qui l’a dictée s’y fait jour dès les premières phrases. Le métayer s’engage à travailler le bien « en bon père de famille, » et le maître, à côté, à ne point le laisser « pâtir de pain, » soit pour cause de fléau, soit pour cause indépendante de sa volonté. Cette promesse de labeur consciencieux d’une part, de secours bien entendu de l’autre, confère à ces enga-