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autour de la tasse de café ; et les buissons de rosiers, les touffes de giroflées et les faisceaux de lys pour diaprer et pour embaumer l’enclos.

On voit le défrichement de landes communales achetées aux confins du bien. Marché à la convenance de tous : de la municipalité heureuse d’écouler de maigres terrains à fin de vaine pâture ou de limite, du propriétaire satisfait d’arrondir l’héritage, de faire tache d’huile sur le pays, d’obtenir par là peut-être droit de pigeonnier. On accordait ce droit aux vieux possédants, vivant noblement sur le sol, et dont les terres étaient assez vastes pour donner pâture à des pigeons, qui volent loin, sans dommage pour le voisin. Ce défrichement était rude, alors que l’on ne connaissait pas le coutre puissant d’Avignon où l’on attelle trois paires de bœufs, et que, les tauzins arrachés, les tertres nivelés, la thuie coupée ras, il fallait défoncer l’étendue are par are à la pioche. On appelait ces chantiers en patois « lou chartic, » mot dont la signification profonde indique l’effort à déployer pour venir à bout des choses enracinées. La terre s’ouvre bien sous la sueur, sous le souffle haletant de l’homme !… Plus loin on assiste au déblaiement d’une marnière, derrière les arbustes et les rejets de toute essence, sous son manteau d’osmondes, d’aubépines et de houx. On découvre la veine chargée de chaux, précieuse pour amender et réchauffer les terres froides, pour les « réparer. » Engrais à longue action, apporté sans bourse délier aux sillons, est-il dit, sans perte de temps, le travail se poursuivant durant les jours « morts, » dans l’intervalle des soins de saison donnés au domaine. Mais l’on entre dans « le parc. » Le terme a une double acception. Le parc est à la fois l’étable et la cour à fumier. C’est là que le bœuf meugle en tirant sur sa chaîne, que le coq chante en grattant les détritus. On y apprend le roulement, le rapport, les mutations des bêtes. On y est mis au courant de leur caractère et de leur tempérament, de leur aptitude au travail et à la reproduction, de leur condition. Même on relève leur aspect, l’aisance de leur allure et la beauté de leur ligne, signes d’équilibre musculaire. J’ai appris là une particularité dans l’emploi de la laine récoltée et filée à la maison. Non seulement on en tirait les vêtements courants et certaines jupes, certaines capes de femmes, plus fines, rayées rouge et gros bleu, d’un effet charmant, mais encore on en tissait pour les hommes une