Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/420

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de regrettables polémiques. Un bataillon de ligne rendait les honneurs militaires au commandeur de la Légion d’honneur ; Amédée Thierry menait le deuil avec ses deux fils. Le cortège accompagna le corps au cimetière Montmartre, où, suivant ses volontés dernières, Augustin Thierry fut inhumé dans le caveau de la famille Scheffer. Edouard Laboulaye, pour l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, dont il était président ; Dubois, de la Loire-Inférieure, au nom de ses anciens camarades de l’Ecole Normale ; Félix Bourquelot, représentant ses collaborateurs et ses élèves, prirent tour à tour la parole sur la tombe de l’historien, exaltant avec ses travaux le haut exemple de sa vie.

La presse ne fut pas moins unanime à louanger un grand mort.


Un jugement d’ensemble sur l’œuvre d’Augustin Thierry, son influence d’école, la valeur et l’exactitude de ses théories historiques trouverait sans doute ici sa place. L’auteur de ces pages s’en abstiendra cependant. La critique ou l’apologie seraient également déplacées sous sa plume.

Quel que soit l’arrêt qu’on doive porter sur lui, on ne saurait ravir à l’auteur des Lettres sur l’histoire de France l’honneur d’avoir été chez nous l’initiateur inspiré de la renaissance des études historiques, le mérite d’y avoir apporté le premier le souci du document et de la critique des sources. Sa place est ainsi à l’origine même de l’évolution moderne de l’histoire.

Cette consécration peut suffire à sa gloire. L’ambition de ce travail sera satisfaite et son dessein accompli, s’il a pu servir à faire mieux connaître celui que Renan nomme son « père spirituel, » de qui la vie fut un prodige incessant de persévérance et de volonté, et qui, pour avoir donné dans la souffrance l’exemple de la plus ferme vertu, mérita si noblement, lui aussi, ce beau titre de saint laïque dont Jules Ferry saluait Bersot le jour de ses funérailles.


A. AUGUSTIN-THIERRY.