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les bouleversements politiques de 1851 ; fatiguée de l’action, la France n’avait pas encore repris le calme nécessaire pour lire et pour méditer. Le public de 1853 n’était plus au demeurant celui de 1825, si plein de jeunesse et d’ardeur. N’ayant su jamais que subir les faits, la génération nouvelle s’intéressait peu aux théories. L’histoire du Tiers-État fut donc loin d’obtenir le succès d’enthousiasme qui avait constamment accueilli ses aînées. Sévère dans sa forme doctrinale, bien que toujours belle et pure, elle effraya la masse des lecteurs superficiels. L’Essai n’en est pas moins un admirable livre que des juges compétents n’ont pas hésité à mettre à côté d’un des grands ouvrages du XIXe siècle, l’Histoire de la civilisation en France. « Ce sont les mêmes principes, déclare M. Camille Jullian, c’est la même manière abstraite et philosophique de présenter les faits ; c’est partout le même apaisement scientifique, la même sérénité d’historien. Les exagérations et la passion de la jeunesse ou de la politique ont entièrement disparu. »

L’Essai sur le Tiers-Etat fut la semence incomparable d’où germa par la suite toute une moisson féconde. Il a directement inspiré les études locales sur les villes françaises et la publication des archives municipales qui se sont multipliées après lui. M. Arthur Giry, pour ne citer que son nom, ne fût point sans doute parvenu à mener à bien ses difficiles travaux, si Augustin Thierry ne lui eût pas déjà tracé la voie et aplani la route.

Si l’accueil du public ne répondit point aux espérances qu’avait conçues la maison Furne, la grande presse, dans son ensemble, et les revues savantes rendirent hommage à l’œuvre de science. Renan, l’un des premiers, donna l’exemple dans les Débats. Son article, des mieux étudiés, ravit à ce point celui qui s’en voyait l’objet, qu’il intervint auprès de M. de Sacy, pour lui demander de faire attacher définitivement au journal, le rédacteur occasionnel qui venait de débuter aussi brillamment dans ses colonnes.

Edouard Laboulaye, Francis Nettement, Auguste Himly, Armand Baschet, M. de Circourt, le comte Louis de Carné, consacrèrent également à l’Histoire du Tiers-Etat d’érudites études, élogieuses ou bienveillantes.

D’autres témoignages plus immédiats d’estime ou d’admiration, arrivèrent par lettres rue du Mont-Parnasse, portant des