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qu’il avait ébauchées à Meximeux. Dans sa conviction de prêtre et d’érudit, la plupart des historiens de l’école de 1830, Guizot, Michelet, Augustin et Amédée Thierry, Ampère, Quinet, Fauriel, Aimé Martin, avaient manque d’équité, méconnu le rôle et le caractère de l’Eglise, si longtemps, au Moyen Age, « la conscience et l’intelligence de l’Europe, à la fois mère et nourrice du monde moderne [1], » lui ravissant l’honneur de ses plus beaux titres à la reconnaissance de la postérité. Il avait donc entrepris de réformer leurs jugements et en particulier « de restituer à la physionomie défigurée des saints, le reflet surnaturel de la grâce [2]. »

Aborder sans références et privé des livres indispensables, pareille entreprise, qui exigeait une documentation énorme, un travail gigantesque de collationnement, de confrontation des textes et des sources, semblait au-dessus des forces humaines. La patiente volonté du curé de la Tranclière parvint à surmonter tous les obstacles. « Bourg était à 15 ou 16 kilomètres. L’honnête Gorini y avait quelques amis. Auprès d’eux il se faisait mendiant et empruntait avec promesse de rendre. Un excellent homme de libraire lui ouvrait tout son magasin, le laissait furètera son aise dans les publications nouvelles. L’abbé s’installait sur les tables d’étalage, prenant sur place des extraits sans couper les pages, ni fatiguer les couvertures. Puis chargé comme un portefaix, il repartait pour son presbytère, le dos pliant sous une pile d’in-folios, calés par des brochures et des journaux [3]. »

L’œuvre du dépouillement commençait alors et c’était seulement après avoir fait rendre au contenu examiné à la loupe, tout ce qu’on peut tirer d’un texte en le pressurant, que l’obstiné fureteur rapportait les volumes à leurs propriétaires.

Gorini poursuivit dix-huit ans, à la peine de son corps et de son cerveau, ce labeur de bénédictin. Quand il fut transféré, en 1847, à la cure de Saint-Denis, il avait fort avancé sa Défense de l’Église qui parut en librairie, au commencement de 1853, chez Girard et Josserand, à Lyon.

On éprouve, à ouvrir ces copieux in-octavos, une étrange impression ; on est tenté de leur appliquer le jugement de

  1. Défense de l’Église. Introduction.
  2. Idem.
  3. Abbé F. Martin, op. cit.