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parlemente avec soi-même, tels sont alors les sentiments d’Augustin Thierry, à l’endroit de son retour à Dieu. Qui peut dire combien de temps se fût prolongé, chez un « rationaliste fatigué, » ce conflit entre les aspirations de la conscience et les disputes de la raison, et quel en eût été le dénouement, si, à ce moment même, une succession d’incidents imprévus, le mettant en rapports suivis avec des prêtres éminents, n’était venue exercer sur son âme une influence décisive ?


LES ATTAQUES D’UN AMI DE VEUILLOT

Dans les derniers jours de 1851, paraissait un volume in-16 intitulé : M. Augustin Thierry, Critique générale et Réfutation, ouvrant une série d’écrits du même genre, destinée à former, sous la direction de Louis Veuillot, la Bibliothèque nouvelle et qui contenait les plus violentes attaques contre les « tendances anti-chrétiennes » et les « théories mensongères » de l’historien de la Conquête et des Temps Mérovingiens.

L’auteur, Léon Aubineau, un ancien chartiste, quelque temps archiviste d’Indre-et-Loire, avait abandonné ses palimpsestes pour entrer à l’Univers et se lancer dans la polémique ultramontaine la plus agressive. Avant de se donner carrière contre Augustin Thierry, il avait d’abord exercé sa verve sur J.-J. Ampère, « ses niaiseries et ses incohérences ; » avait brocardé « les pages coriaces » de Fauriel et de Sismondi, invectivé Michelet pour « ses honteuses imaginations. »

Il serait superflu d’analyser son factum en détail. Reprenant avec plus de rudesse et de malveillance encore les griefs qui traînaient dans les journaux ultras de la Restauration et ceux plus récemment formulés dans l’Université catholique d’Augustin Bonnety, il incriminait l’écrivain des Considérations, de ne faire, à travers tant de pages austères, que la sèche analyse des systèmes écroulés, sans avoir dressé de bilan de la science catholique, alors florissante ; l’auteur de la Conquête, et des Récits, « de ne peindre que la brutale nudité de la nature barbare ou les hideux oripeaux de la civilisation romaine décrépite, sans montrer assez l’action lente et soutenue de l’Eglise, en faveur d’une civilisation nouvelle. » Dans le déchaînement furibond de ses invectives, il allait jusqu’à soutenir que la cécité physique de l’infirme « était le signe vivant d’une cécité spirituelle