Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je souhaite en vain, vous me trouveriez, d’esprit, de parole et, quoi que vous en disiez, de sentiment sur les grandes choses de la vie, tel ou à peu près que vous m’avez toujours vu. »

Toutefois, ce désir de croire, ce besoin impérieux d’espérance et de consolation continuent d’être traversés d’incertitudes et combattus de résistances. C’est à travers la Correspondance de l’historien que nous suivons toujours les alternatives de ce débat intérieur. Se plaignant à lady Holland de ses angoisses nerveuses redevenues insupportables, il s’écrie avec découragement :

« Plaignez-moi, madame, et conseillez-moi de votre voix douce le courage et la résignation. Je trouve que je n’en ai pas assez. Je m’étais dit que je voulais me confier à Dieu et m’abandonner sans réserve à sa volonté ; je n’y ai point réussi. Je ne suis pas soumis, je résiste, je me demande pourquoi ? pourquoi ? Je prie, mais d’une manière courte, et la prière ne me calme pas [1]. »

C’est un sentiment analogue qu’il exprime avec plus de force encore à la princesse Belgiojoso :

« Je ne réponds pas à ce que vous m’avez dit de gracieux sur mon retour à des pensées de foi et d’espérances hors des intérêts et des idées de ce bas-monde. Les concessions que vous me faites à cet égard me touchent vivement ; je vous en remercie, mais je n’en ai pas besoin, vous le savez, par ce que vous en a dit ma dernière lettre. Dans mes aspirations religieuses, je n’ai pas eu le tort de m’éprendre de la doctrine catholique, plutôt que de l’Evangile, de la forme plutôt que du fond ; bien au contraire, j’ai gardé là-dessus une latitude qui certainement est et sera toujours trop grande. Je voudrais me renouveler et je ne puis dépouiller le vieil homme ; ce que je donne d’une main, je le reprends de l’autre, et c’est peut-être un obstacle à ce que l’appui me vienne, tel que je l’avais espéré. Si Dieu vous ramène ici, nous causerons de cela et je vous suivrai volontiers, pourvu que votre foi reste pure de toute ombre de panthéisme [2]. »

Dans la mesure où il nous livre le secret de ses hésitations, le mystère de la lutte encore indécise, où se débat un esprit qui

  1. 26 juillet 1851.
  2. 27 décembre 1851.