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Car le vert de la feuille ici
Se fane au déclin de l’année,
Et pour nous ces tons d’or roussi
Sont devenus l’image aussi
De notre courte destinée.

Le mal est vieux : déjà, du temps
Que les grands bois couvraient la Gaule,
Ce ciel gris pesait à l’épaule,
Et la nymphe, au bord des étangs,
Se lamentait avec le saule.

Déjà, le centaure en arrêt.
Au creux de son dos qui se cambre
Sentant ruisseler la forêt.
Exhalait, dès la mi-septembre,
Un hennissement de regret.

Et quand, des dieux fille ou cousine,
Vint régner chez nous Mélusine,
Elle hérita de leurs remords,
De cette angoisse que l’eau fine
Répand sur les feuillages morts.



Cependant le brouillard entr’ouvrit sa paupière,
Et le soleil parut comme un œil sans éclat ;
Et ce qui maintenant croit sur le terrain plat
C’est le panneau-réclame et c’est l’horrible pierre.

Hélas ! qui d’entre nous peut, d’un cœur détaché.
Revoir ces pauvres murs de brique ?
Est-ce que ces témoins n’ont pas un sens caché
Qui prête à leur laideur une force lyrique ?

Est-ce que le destin nous laisse aussi le choix
Des images qui nous émeuvent ?
Avons-nous désiré que ce lourd ciel de poix
Fût le calice amer où nos lèvres s’abreuvent ?