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Voilà pourquoi Fauche courait en bourrasque de Londres à Jersey et de Jersey à Londres, exaspéré du silence inexplicable de son fidèle correspondant. Les événements se précipitaient : coup sur coup on apprenait le désastre des armées de Bonaparte à Leipzick, la ruée des alliés sur le Rhin, l’invasion de la France. Au château. d’Hartwel qu’habitait maintenant, à seize lieues de Londres, « le comte de Lille, » on suivait anxieusement, dans les feuilles anglaises, la marche des troupes coalisées : chaque jour apportait « un sursaut d’espérance. » Le Comte d’Artois et ses fils avaient déjà quitté l’Angleterre pour mieux guetter les éventualités imminentes. Bordeaux réclamait son Roi. Et Paris ? Fauche n’y comprenait rien ! À quoi songeait donc le Comité, son Comité ! Qu’attendait cette clandestine et puissante agence royale pour passer le lacet au cou du tyran ? Le « tyran » tomba sans qu’elle se fût manifestée. En préparant son bagage pour accompagner en France le Roi restauré et y recueillir la grandiose récompense due à ses éminents et longs services, Fauche-Borel éprouvait l’amer regret que ce prodigieux revirement se fût produit sans sa participation immédiate. Aussi avait-il hâte de gagner Paris, impatient de questionner Perlet, d’apprendre les causes de cette incompréhensible abstention et de connaître enfin, maintenant que rien ne pouvait plus déjouer sa vengeance, qui avait dénoncé à la police de Bonaparte l’infortuné Charles Vitel et touché le prix de son sang.


G. LENOTRE.