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prend la résolution hardie d’aller passer un jour à Paris : vingt-quatre heures suffiront à sa « finesse » et à son « expérience » pour se procurer les précisions nécessaires et stimuler l’activité du Comité. Et il n’imagine rien de mieux que de s’adresser à Desmarest, — son pire ennemi, — et de solliciter de lui le sauf-conduit indispensable. Un honnête négociant parisien, nommé Gilles, qui, pourvu d’une licence en règle, effectue fréquemment la traversée du détroit, se charge de soumettre au chef de la police secrète l’étrange supplique du libraire qui, en échange du passeport désiré, promet de fournir des renseignements précieux sur les projets et les ressources du Prétendant. Il s’offre à trahir la cause de la monarchie légitime à la condition qu’on le mette en mesure de la mieux servir.

Desmarest ne répond pas ; Fauche conjure Perlet d’agir : même silence. Toute l’Europe est liguée contre Bonaparte ; c’est le moment de porter au vaincu le coup suprême. Harcelé d’impatience. Fauche attend à Jersey que le Comité l’appelle à Paris : rien ne vient. On croira peut-être que, devant le coupable silence de son cher Perlet, il sentit poindre en son esprit quelque méfiance ou quelque crainte ? Non pas : sa foi n’était pas entamée. Elle se serait renforcée, au contraire, s’il avait appris que Perlet était en prison, preuve manifeste de son dévouement à la bonne cause.

A la suite de la communication de Gilles, Perlet avait été, en effet, convoqué par Desmarest qui, l’ayant « cuisiné » en maître expérimenté, arracha, non sans peine, à l’espion l’aveu de sa prévarication. Coupable de continuer la correspondance avec l’Angleterre, malgré la défense de ses supérieurs, il fut écroué à la prison de Sainte-Pélagie, en attendant qu’on trouvât dans le code de justice criminelle un châtiment applicable à son crime, — si grassement récompensé quelques mois auparavant. Deux jours plus tard, le préfet Pasquier profitait de l’occasion pour révoquer ce fonctionnaire indigne. En vain Perlet proteste-t-il que « personne plus que lui n’est dévoué à l’Empereur ; qu’il a toujours manifesté son chagrin de ne pouvoir combattre avec nos braves soldats ; qu’il a un fils, élève-trompette à la garde impériale, auquel il répète sans cesse combien il est beau de servir son souverain... ; » le ministre décida que Perlet serait maintenu en détention jusqu’à « plus ample informé. »