Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fiasco. Il l’exposait sans réticences au ministre : — « C’est avec peine qu’il a été reçu et qu’il est parvenu à ne pas être chassé ; cependant il assure qu’il lui a été recommandé de continuer sa correspondance ; nous voilà donc revenus au même point, après trois ans d’écritures… » Que faire ? En poursuivant la comédie du faux Comité, « veut-on persuader au Gouvernement britannique que les Bourbons ont une grande partie de la France ? » Ne vaut-il pas mieux cesser la correspondance et « enrayer tout à coup cette misérable agentaille pour qu’il n’y ait plus entre la France et l’Angleterre qu’une bonne guerre franche, rien de plus ? » On peut remarquer le ton méprisant de Desmarest parlant au ministre de cette misérable agentaille, et ceci donne l’étiage de la répulsion des chefs de la police pour leurs limiers en général, et pour Perlet en particulier. On agita la question de savoir s’il ne serait pas utile de publier le recueil des lettres de Fauche-Borel à « l’ami de Paris, » afin de convaincre le ministère anglais « du peu de confiance que méritaient les hommes dont s’entouraient les Bourbons proscrits ; » mais ce projet fut abandonné et le ministre se désintéressa, dès lors, de cette fourberie qui « ne menait à rien. » Fouché, d’ailleurs, quoiqu’il ne fît point partie du Comité de Perlet, par la raison que ce Comité n’avait jamais existé, Fouché, depuis 1804, « cultivait la sympathie anglaise. » Le Cabinet de Saint-James, non plus que Fauche-Borel, ne se trompaient pas tout à fait en estimant que le ministre de la Police n’était point pour l’Angleterre un ennemi irréconciliable, ni pour Napoléon un ami à toute épreuve. C’est même cette tendance vers un rapprochement anglo-français qui lui valut sa disgrâce. Il quitta le ministère le 3 juin 1810 ; il y était remplacé par le duc de Rovigo.

Trois mois plus tard, Dubois passait la Préfecture de police à Pasquier, homme probe et soucieux de son devoir. Un hasard instruisit le nouveau préfet de l’ignoble stratagème dont Perlet était l’instrument ; aussitôt défense est faite de poursuivre cette déshonorante fallace ; le mouchard simule la soumission ; mais espérant toujours soutirer aux ministres anglais, pour le compte du fantasmagorique Comité, le demi-million de ses rêves, il continue, à l’insu de ses chefs, et dans son propre intérêt, la correspondance avec Fauche-Borel. De son côté, le libraire s’y cramponne en désespéré ; on est en 1812 ; l’Empire chancelle et Fauche, redoutant que la restauration des Bourbons s’opère sans son concours,