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Danemark et la Suède, « de façon à ce que la police de Bonaparte n’eût aucun soupçon de son séjour en Angleterre. »

Quoique bien lesté d’argent et de lettres de crédit par ses chefs, Perlet aurait voulu faire encore payer son voyage par lord Hawkerbury ou par M. Canning, — voire par tous les deux. — Fauche-Borel l’y poussait, assurant que la générosité anglaise était sans limites : — « il n’y a pas un individu allant ou venant de chez vous ici ou d’ici chez vous à qui on ne remette 500 louis. » Mais les ministres restèrent sourds à l’invite, estimant sans doute que le Comité de Paris, si puissant, pouvait bien payer son émissaire. Déçu de ce côté, Perlet présenta la note de « ses frais » à d’Avaray qui lui fît remettre 55 louis : le Roi de France était pauvre... L’espion jugea la somme « humiliante ; » il la rendit à d’Avaray, et c’est Fauche-Borel qui, afin d’assurer l’heureux retour de son ami, lui donna, de sa poche, 3 500 francs. Ses dernières recommandations sont attendrissantes : — « Il est impossible de rencontrer deux êtres qui s’entendent mieux sur les grands intérêts... Plus je vais, et plus je vois que ce n’est que la bonne foi, la candeur et la franchise qui opèrent le bien. » D’ailleurs, il ne s’oubliait pas : — « Que votre Comité demande que je reste votre principal intermédiaire... Si je crois devoir me mettre en avant, c’est que... j’ai pour moi l’expérience de quinze ans dans les affaires !... » Et c’est à la police de Desmarest que le pauvre homme adressait cette explosion de suprême naïveté ; car, à peine rentré à Paris, Perlet remit toutes les lettres de Fauche à ses chefs, en même temps qu’un rapport circonstancié de son expédition.

Dans cette relation, il ne négligeait pas de se faire valoir, ainsi qu’on le pense : — « Le mois que j’ai passé à Londres, écrivait-il, a été employé sans interruption à bien m’instruire... je n’ai pas perdu un quart d’heure ; aussi ma tête est-elle bien remplie ; je pense que Son Excellence décidera qu’il sera bon de continuer la correspondance... » Mais Desmarest n’était pas homme à se laisser éblouir par les vanteries d’un de ses agents. Il avait, très probablement, dans l’entourage de Louis XVIII des espions sûrs au contrôle desquels il ajoutait plus de créance qu’aux hâbleries d’un infime subalterne ; aussi, après avoir lu le récit de Perlet-Bourlac et soigneusement annoté les lettres de Fauche, déclara-t-il que la mission du mouchard était un