Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son secrétaire Pois et Nymphe de Préville, dite Dubuisson, — ces trois derniers par contumace. Leclerc, après un séjour en Angleterre, se fixa à Munster où il tenta de renouer la Correspondance avec ses agents de Paris, et il semble bien qu’il y réussit. Quant à Nymphe, ayant traversé seule une partie de l’Europe, dans l’espoir d’atteindre la Russie, elle parvint à s’embarquer pour Londres où elle s’arrêta : le Gouvernement anglais servait à cette condamnée à mort un traitement annuel de 600 francs, dont elle subsistait misérablement. Suivant une note de police, « elle déplorait amèrement son sort. »

Cette digression à travers les mystères de la Correspondance anglaise, ne paraîtra pas, à proprement parler, un hors-d’œuvre, puisqu’elle permet d’apprécier quels obstacles et quelles difficultés s’opposaient à l’échange régulier des communications entre la France et les Iles britanniques. Sans doute, il y avait, aux rigueurs du Blocus, quelques tempéraments exceptionnels ; certains armateurs, moyennant de grosses primes, obtenaient des licences très recherchées ; on a l’exemple de négociants trafiquant ouvertement avec l’Angleterre, en dépit des prohibitions générales ; mais leurs navires étaient, à leur arrivée et à leur sortie, sévèrement visités et leurs subrécargues auraient risqué gros en prévariquant de leur privilège. Tout écrit présentant un caractère politique ou rédigé en termes simplement ambigus, ne pouvait donc passer le détroit qu’en fraude et, après la ruine des messageries interlopes de Leclerc, cette contrebande postale se détourna par Jersey et la côte normande ou par le Danemark et la Hollande. C’était cette voie que suivait Perlet.


A Londres, Fauche remuait donc ciel et terre pour qu’on fit accueil à « son homme : » Perlet était son dernier atout ; si ce personnage, inventé, créé par Fauche, réussissait à empaumer les ministres de George III, s’il était assez habile pour leur inspirer confiance et pour convaincre Louis XVIII de. la réalité de son Comité, la fortune du libraire était assurée, il serait considéré comme le deus ex machina de la Révolution, l’Angleterre et l’émigration n’auraient pas assez d’hosannas pour célébrer sa perspicacité et chanter ses louanges, sans compter que les coffres-forts du Royaume-Uni s’ouvriraient à larges portes pour