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l’un des princes de la famille royale, sans nul doute, — qui prendrait « dans les premiers moments » les rênes du pouvoir, en attendant l’arrivée du Roi lui-même. Et quand Louis XVIII est en Angleterre, l’insistance de Fauche-Borel se fait plus pressante : il a hâte de conduire aux pieds du frère de Louis XVI un si zélé champion de la monarchie légitime. L’auguste prince serait heureux de témoigner à Perlet sa gratitude : il manifeste à tout instant son désir de connaître et de remercier cet auxiliaire précieux. Le comte d’Avaray daigne joindre ses sollicitations à celles de Fauche : — « Le désir du Roi, mande-t-il, serait de voir arriver une personne de confiance dûment autorisée et munie de preuves évidentes. Je profile avec la plus vive satisfaction de cette circonstance, pour répéter à Bourlac (Perlet) et à ses amis un nouveau témoignage de la confiance de Louis XVIII et, j’ose ajouter, de mon estime et de mes sentiments personnels. »

C’était trop beau. Perlet se méfiait, et son hésitation était justifiée. Convaincu que Fauche-Borel connaissait à présent la vérité sur l’arrestation et la mort de son neveu, il se demandait avec anxiété si le libraire, assoiffé de vengeance, ne le mystifiait pas à son tour, afin de lui tendre un piège similaire à celui où s’était pris le jeune Vitel. A Paris, Perlet ne craignait rien : en supposant sa fourberie découverte, la toute-puissante protection de Veyrat, du préfet Dubois et de Desmarest, ses instigateurs et ces complices, lui était un sûr garant d’impunité. Mais à Londres, isolé parmi ces émigrés et ces étrangers dont il se jouait effrontément depuis deux ans, comment échapper à tant de colères et de haines accumulées ? Et, même si Fauche est encore sa dupe, même si, dans leurs protestations d’amitié, d’estime et de reconnaissance, le Roi et d’Avaray sont sincères, sera-t-il, lui, assez madré et astucieux, pour soutenir le rôle ? Il faudra bien qu’il parle, qu’il conte l’origine et la formation de ce fantasmagorique Comité ; il devra citer des noms. Lesquels ? On n’abuse pas des hommes tels que Louis XVIII ou M. Canning, aussi facilement qu’un Fauche-Dorel. Il a laissé croire que Fouché leur est acquis : vont-ils, sur ses affirmations, entrer en relations directes avec ce ministre ? Quelle catastrophe ! Déjà Fauche lui a écrit : — « Si vous pouviez avoir pour appui Fouché, on serait porté ici à prendre en lui la plus grande confiance, parce qu’on lui connaît des moyens, et il pourrait tout attendre