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Fauche en son correspondant de Paris étonnait, il faut le dire, bien des gens. Son affection pour Perlet semblait avoir redoublé et il souhaitait que tout son entourage la partageât. Louis XVIII, las des humiliations et de l’isolement de Mitau, venait de débarquer en Angleterre, au grand déplaisir du Cabinet britannique qui toléra cependant le séjour de l’exilé à la condition qu’il ne serait plus que le Comte de Lille. Sous ce titre, le Roi s’était provisoirement installé à Gosfield, dans le comté d’Essex : Fauche annonça cette heureuse nouvelle à Perlet : — « L’espérance que le Roi a fondée dans les opérations de votre Comité a beaucoup contribué à sa détermination de se rapprocher de vous en affrontant bien des dangers... Dorénavant, tout ce que vous ferez passer sera remis à Fietta (Louis XVIII). Je suis chargé de la part de Me Courtemer (d’Avaray) de vous dire qu’il se porte bien et de vous témoigner toute la satisfaction que Fietta conçoit de votre travail et de celui de votre Comité. J’aurai, j’espère, à vous faire parvenir, très prochainement, une lettre de la main propre de Fietta. » On aimerait à savoir de quel front l’ignoble mouchard acceptait cet encens et comment il appréciait l’insondable naïveté de son correspondant : en fin de la missive, celui-ci renchérissait encore : — « On aime votre franchise, » affirmait-il, et Perlet, si grisé fùt-il du succès de son escobarderie, estima, sans nul doute, que Fauche allait trop loin.

Le policier n’était pas, au surplus, très rassuré. Depuis quelques mois. Fauche, reconnaissant la difficulté d’adresser à « l’ami fidèle » un émissaire assez hardi pour s’exposer aux risques d’un séjour à Paris, et assez important pour mériter l’honneur d’être reçu par le Comité s’était mis en tête de décider Perlet à entreprendre le voyage de Londres ; là, du moins, entouré d’amis sûrs, il serait enfin libre de révéler tout ce qu’il tenait secret depuis si longtemps, par méritoire scrupule de prudence. Féru de cette idée, fier de présenter aux ministres du roi d’Angleterre et aux chefs de l’émigration « l’homme admirable » qu’il avait suscité, Fauche-Borel insistait dans chacune de ses lettres, certain que si Perlet acceptait sa proposition, la restauration des Bourbons s’en suivrait sans tarder, — « Vous êtes attendu, » écrivait-il ; et il lui conseillait d’amener un secrétaire « pour porter les pièces les plus importantes. » Il exposait que l’on concerterait ensemble les moyens les plus sûrs d’acheminer jusqu’à Paris, le personnage encore non désigné, —