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orgueil d’avoir travaillé à l’établissement d’un texte aussi critiqué. La loi attaquée, en effet, par la presse algérienne, ne fut guère défendue que par un timide plaidoyer, inséré dans une revue hebdomadaire illustrée d’Alger où l’on se borna à plaider des circonstances atténuantes en invoquant la part du feu.

En résumé, la situation se présente ainsi :

140 000 électeurs français ou néo-français dans toute l’Algérie, 421 000 électeurs indigènes comme résultat de la loi de 1919, et ce dernier chiffre s’accroîtra automatiquement chaque année : 1° de tous les indigènes ayant satisfait au service militaire ; 2° de ceux nommés à un emploi public ; 3° de ceux ayant acquis, depuis la formation des listes précédentes, la qualité de propriétaires ou fermiers ; 4° de ceux ayant reçu une distinction ou acquis un titre universitaire de degré quelconque, ou mérité une récompense dans un concours agricole ou industriel à la condition qu’ils aient vingt-cinq ans d’âge et deux ans de résidence dans leur commune. Après quatre ans, le chiffre global des électeurs indigènes aura ainsi dépassé le demi-million, et dans un seul département, celui de Constantine, les chiffres sont particulièrement impressionnants : 15 470 électeurs indigènes avant la loi de 1919, 202 904 actuellement.

Il est donc intéressant de constater que, dans ce dernier département, de même qu’à Alger, le mouvement électoral a été parfois anti-français, c’est-à-dire contre la liste que l’on trouvait trop rapprochée de l’idée française. Les candidats venus à nous de tout temps, tel un docteur indigène naturalisé français d’ancienne date qui, tout en demeurant musulman et en se réclamant de notre culture et de notre cause, a épousé une Française, ont été écrasés. Ils furent combattus comme renégats ayant abandonné leur statut indigène ; on les jugea trop voisins de nous, mal qualifiés par conséquent, pour faire triompher les âpres revendications d’un programme qui ne tend à rien de moins qu’à amoindrir et peut-être à ruiner la souveraineté française en Algérie. En somme, nulle part, la masse des indigènes n’a donné l’impression qu’elle appréciait un libéralisme qui dépasse son entendement. Sur ces individus, amorphe troupeau, les intrigants ont beau jeu pour exercer leur rôle d’avides profiteurs politiques. Aussi les affaires sont-elles excellentes pour ces exploiteurs que l’on avait déjà vus à l’œuvre lors des récentes élections municipales et au moment