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on déplore d’autant plus, là aussi, les effets de la loi de 1919. Pour essayer d’y remédier, le gouvernement général à Alger créa récemment, en guise de moyens de fortune, à côté des djemaas élus, des sortes de conseils administratifs, composés de notables choisis par l’administration et auxquels est confiée la tâche dévolue aux anciennes djemaas.

N’oublions point, en effet, que près de 3 000 000 d’hectares d’excellentes terres sont improductives ou mal cultivées en Algérie parce qu’en qualité de terres indivises ou de collectivité, elles ne sont possédées qu’à titre précaire ; mais, tandis que l’on espérait les modifications législatives réclamées depuis longtemps par tous les corps élus de la colonie pour sortir de cette situation, voici que, circonstance aggravante, ces terres sont présentement soumises au bon plaisir de ces djemaas, dont nous venons de voir le manque de moralité. On maintient ainsi dans la population indigène plus que du malaise, de l’irritation ; et on provoque des revendications qui, souvent, sont à l’origine de bien des attentats.

Enfin la loi de 1919 a nui à la sécurité ; on sait à quel point le maintien de celle-ci a été, de tout temps, l’objet des préoccupations de l’administration algérienne. Pour assurer la tranquillité dans un pays qui nous a coûté les plus grands sacrifices, il fallut un long effort de prudence et de fermeté. Ce fut l’honneur du gouvernement général de M. Lutaud, d’y être parvenu, au cours de cette longue guerre. En dépit du peu de troupes dont on disposait, la situation demeura satisfaisante, sauf sur deux ou trois points, comme dans la province de Constantine, à Aïn-Touta, où éclata, en 1916, un assez grave mouvement sur l’origine duquel il y aurait, du reste, beaucoup à dire.

L’émotion fut donc vive dans le personnel de la colonie et chez les propriétaires français aussi bien qu’indigènes, quand on apprit que l’une des conséquences de la loi de 1919 qui n’aurait pas dû surprendre, si on avait réfléchi à quel point le musulman se passionne à posséder un fusil, permettrait à la majorité de la population indigène d’échapper aux règlements qui primitivement avaient sagement limité les possibilités d’achats d’armes. En effet, cette loi qui règle l’accession de nos sujets musulmans aux droits politiques, assimile ceux qui sont inscrits sur les listes électorales, — en fait les neuf dixièmes, — aux citoyens français, pour ce qui a trait aux contraventions et