Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

annexant des groupes de populations indigènes plus considérables que le chiffre de la population européenne. Comme ces indigènes font les frais de la majeure partie du budget de la commune, il est juste que les conseillers indigènes concourent au choix du chef de la municipalité. La sollicitude municipale leur sera mieux assurée. Il faudra, cependant, veiller à ce que la majorité française ne soit, parfois, mise en échec par une coalition formée d’une minorité avec les conseillers indigènes ; le suffrage universel français serait alors faussé dans l’élection du maire ou de ses adjoints. Cet inconvénient, qu’il est nécessaire de prévenir, ne pouvait néanmoins dispenser d’un article qui est une œuvre d’équité.

Au reste, dans toute cette loi, on constate que judicieusement les deux collèges français et indigène demeurent distincts. Les électeurs indigènes votent entre eux pour leur représentant, mais ils ne concourent à aucune élection française, de même que l’électeur français ne participe à aucune élection indigène.

A la vérité, depuis le décret du 7 avril 1884, certains indigènes étaient déjà investis de l’électorat ; ils élisaient leurs représentants aux conseils municipaux, mais ils n’étaient qu’une infime minorité dans la masse ; or, quelques mois avant la guerre, en janvier 1914, sous le gouvernement de M. Lutaud, on étendit l’électorat municipal et on augmenta, d’une façon peut-être excessive, le nombre des conseillers indigènes dans les assemblées municipales, les portant du quart au tiers de l’effectif total, soit un minimum de quatre conseillers au lieu de deux et un maximum de douze conseillers au lieu de six ; ce premier élargissement du corps électoral indigène était inspiré par l’évolution de la population indigène au cours des trente dernières années.

Prendre la direction de ce mouvement, essayer de l’orienter, fut évidemment la pensée du législateur. Quoi qu’il en soit, la loi et les divers décrets qui en assurent l’application, après avoir confirmé les grandes lignes du décret de janvier 1914 en ce qui a trait au corps électoral, ont singulièrement accru la capacité de l’indigène électeur municipal ; celui-ci désormais prendra part à l’élection des conseillers généraux indigènes et à celle des délégués financiers élus au titre indigène, alors que précédemment ces conseillers et ces délégués étaient issus d’un collège électoral trop réduit aux dires des défenseurs de la cause indigène,