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dogmatisme est, peut-être, fait pour vous surprendre, ajoutaient-ils, mais notre loi est d’essence divine et votre loi française est purement humaine. Vous ne pouvez, disaient-ils, en manière de conclusion, les considérer à un point de vue d’assimilation, ni même les comparer. »

Cette résistance à la naturalisation française, on la retrouve même chez certains intellectuels indigènes, alors que l’on pourrait croire ceux-ci dégagés de tout scrupule religieux ; l’un d’eux me développa le programme que la France devrait adopter pour établir sur de nouvelles bases les cadres de la société indigène ; seule l’instruction pouvant assurer l’évolution de l’indigène, la Métropole reconnaîtrait d’office les droits de citoyens aux titulaires de diplômes acquis dans les Facultés et laisserait à elle-même la masse ignorante qui du reste ne demande rien au point de vue politique. Cette esquisse de programme, pour séduisante qu’elle paraisse, serait de nature à troubler un esprit peu averti, mais, sauf de très rares exceptions, les lettrés indigènes ne sont pas, hélas ! encore français de cœur, et il est prématuré qu’ils soient considérés comme tels en droit. La porte de la naturalisation leur a été ouverte, mais ce peu d’empressement à la franchir dévoile une arrière-pensée. Ils veulent être Français « par force, » sans le demander ; ils mettent en avant des scrupules religieux pour justifier une pareille prétention ; ils souhaitent, en somme, quelque chose de semblable à cette loi Delbrück, qui permettrait à nos musulmans d’entrer chez nous sans sortir de chez eux ; la « tare » de la naturalisation serait ainsi voilée aux yeux de leurs coreligionnaires, car ils démontreraient qu’en bons musulmans ils ont cédé à la force, par conséquent plié devant la volonté d’Allah. Et ils pourraient manier, sous le couvert des préceptes du Coran, la masse des indigènes qui se laisse guider, indifféremment, par le bon ou le mauvais berger.

Rapprochons cette profession de foi de la déclaration faite au cours de la dernière session des délégations financières, à Alger, par l’un des délégués musulmans le plus en vue, celui-ci inspiré, à n’en pas douter, par les chefs du nationalisme musulman de l’Inde, de l’Egypte et de la Tunisie. Dans un discours très étudié, ce délégué précisa la nécessité de développer la culture musulmane par un vaste enseignement en langue arabe aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Le panégyrique