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ou petits manifestèrent leur inquiétude : de même que les colons, ils prévoyaient de dangereuses agitations. L’état d’esprit, disaient-ils, ainsi créé, rendra plus difficile entre les deux groupes de populations cette confiante collaboration qu’il faut, à tout prix, développer et fortifier.

En réalité, comme me le disait une personnalité musulmane d’un esprit des plus sympathiques à la France, on a donné des satisfactions d’ordre électoral qui intéressent peu la masse indigène. Celle-ci, au fond, très utilitaire ne se trouve point satisfaite parce que des ambitions particulières seront servies par de larges élections, avantageuses seulement pour quelques politiciens indigènes. Nos musulmans d’Algérie attendaient des dispositions législatives qui auraient atténué ou réparti avec plus d’équité les diverses charges financières. A vrai dire, la Métropole, une fois de plus, est passée à côté de ce qu’elle avait à faire. Pour servir la cause indigène, il aurait fallu, par exemple, aborder enfin la constitution de la propriété indigène, et poursuivre les opérations de cadastre qui n’ont encore été qu’esquissées et abandonnées, comme dans certaines communes telle que Châteaudun du Rhummel. Mais qui y songea ? Puis il y avait toute une série de travaux publics, ceux-ci souvent d’apparence secondaire, et cependant indispensables à la vie indigène (aménagement de sources, de pistes, construction de ponts, etc..)

Assurément, ce ne sont pas les circulaires de la haute administration qui manquent ; elles foisonnent, et quand elles ne sont pas contradictoires, elles s’accumulent, inutiles sans conception d’ensemble, sans méthode, tandis que les moyens financiers ont été jusqu’à présent négligés ou insuffisants. Les deux années que vient de traverser l’Algérie ont été mauvaises à cet égard ; souhaitons que l’horizon s’éclaircisse à la suite de l’emprunt que la colonie a été autorisée à contracter.

La loi du 6 février 1919 dite « Loi sur l’accession des indigènes de l’Algérie aux droits politiques » est composée de deux titres ; le premier confirme les dispositions du sénatus-consulte du 14 juillet 1865 et en facilite le fonctionnement. On sait que, d’après le texte, l’indigène musulman est français [1] et qu’il continue d’être régi par la loi coranique : il peut, toutefois, à charge de se soumettre aux conditions de notre code civil, être admis

  1. Le terme de « sujet » ne résulte d’aucun texte législatif, il passa dans l’usage comme suite à certains jugements de la Cour d’Alger.