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leurs aspirations ou leurs besoins, travaille à compromettre l’avenir français en Afrique.

Dans la Revue [1] on faisait récemment remarquer, très justement, qu’il était inutile de vouloir assimiler ces hommes et tenter de les ranger à nos conceptions que repoussent leurs croyances. Pourquoi chercher à les faire pénétrer dans notre cité, puisque leur fidélité à des croyances lointaines de notre civilisation les rendrait malhabiles, pour le moins, à exercer les droits que nous leurs conférerions ; ce serait le plus sûr moyen de grossir la phalange, déjà nombreuse, des déclassés.

Présentement, des Indes à l’Afrique du Nord, une même fermentation, frottée de bolchévisme, travaille les esprits ; pouvons-nous espérer que nos populations échappent à ce trouble ? La Tunisie y est la plus exposée : sa position géographique, les liens de sa bourgeoisie avec Stamboul, le reflet du panislamisme, celui de la politique germano-turque aident les manœuvres de nos ennemis. Le mouvement devait, forcément, gagner l’Algérie ; il a même pénétré, dans une certaine mesure, au Maroc. Il convient donc de faire le départ entre les fallacieuses revendications de soi-disants « Jeunes Algériens » ou autres et les besoins de la masse qui réclame, si justement, plus d’égalité fiscale, plus de bien-être, plus de sécurité dans les campagnes et une instruction mieux adaptée à ses besoins.

Aussi l’étude impartiale de la loi de 1919 sera-t-elle un enseignement. L’idée qui présida, à son élaboration est à l’honneur de la France par la générosité de l’intention ; convenons, cependant, que le texte aurait gagné à s’inspirer d’une plus exacte connaissance des affaires algériennes. Loin de nous la pensée d’apporter de stériles récriminations ; mais comment ne pas s’élever contre un dispositif qui renferme tant de risques, quand Raymond Aynard, le collaborateur immédiat de M. Jonnart, l’un des gouverneurs les plus remarquables, écrivait, avant la guerre : « Telle est bien, qu’on ne s’y trompe pas, l’arrière-pensée de tous les adversaires de l’administration algérienne (il aurait pu ajouter de la puissance française) : faire de nos sujets, sinon des citoyens, du moins des électeurs, au risque de jeter ce pays dans la paralysie ou dans les convulsions [2]. »

  1. L’Islam et son avenir, par XX. Revue des Deux Mondes, 1er août 1921.
  2. Raymond Aynard, L’œuvre française en Algérie (page 175), Paris, 1912, Préface de M. C. Jonnart, ancien gouverneur général de l’Algérie. — Paris, Hachette, 1912.