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momentanément, à ces pays, un régime différent, bien que quelques-uns de nos intérêts politiques eussent un indéniable caractère de connexité. La colonie allait cependant de plus en plus réclamer son autonomie financière ; les idées y avaient fait du chemin depuis 1870 quand on s’y prononçait nettement pour l’assimilation intégrale avec la Métropole.

Et c’est ainsi, en dépit de ces changements de régimes, entre ces sautes de méthodes, que l’Algérie est parvenue à se constituer, nationalité nouvelle, a-t-on dit assez justement. Mais les conditions mêmes de cette formation montrent le soin avec lequel la mère-patrie devra y maintenir une suprématie nettement française.

Peu de contrées offrent, en effet, une telle variété ethnique : les Arabes et les Berbères, que des siècles n’ont pas rapprochés, bien que, dans l’ensemble, on désigne leur groupement sous l’appellation d’arabo-berbère, les israélites, que le décret de 1870 a transformés en citoyens français, puis les étrangers. Espagnols, Italiens, Maltais, etc. Pour tout dire, nous autres Français, nous y sommes en présence de quatre millions et demi de musulmans, chiffre fourni par le recensement de 1921, alors que la population française globale est de six cent mille âmes et que celle qui est dénommée européenne étrangère atteint presque deux cent mille.

Ces chiffres appellent quelques commentaires. Si nous nous reportons au précédent recensement, on constate que la population européenne serait en fléchissement [1] : 680 000 en 1913 ; dans les statistiques de cette époque, l’élément français ne figurait que pour 278 000 âmes, et encore fallait-il remarquer que depuis 1890, sous l’influence de la loi de 1889 qui naturalise automatiquement les étrangers ne se réclamant pas de leur nationalité, les chiffres des éléments de sang purement français ont quelque chose de fictif, puisqu’ils renferment un nombre sans cesse croissant de néo-Français,-Espagnols et Italiens pour la plupart. Les chiffres qui nous ont été fournis sur le dernier recensement de 1921 ne permettent pas d’établir le nombre des

  1. Ce phénomène se manifeste dans les campagnes ; au lieu d’augmenter de plus de 100 000 âmes par période décennale comme nous le montraient les statistiques précédentes, le gain des Européens n’est plus que de 32 000 au dernier recensement ; l’accroissement a trait à la population urbaine et porte également sur les israélites naturalisés qui sont, en somme, des indigènes. La situation mérite de nous préoccuper.