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toutefois, les réalités historiques de l’Algérie où n’existaient déjà plus les cadres de la société indigène. On sait qu’à l’encontre des pays voisins, l’Algérie n’a guère possédé d’unité au milieu des dominations étrangères qui l’ont asservie. Dans une lettre, désormais célèbre, au maréchal Pellissier, l’Empereur définissait, assez inconsidérément, le royaume arabe que notre possession était à ses yeux, et afin de sauvegarder, disait-il, la population indigène, il n’hésitait point à assigner aux Européens un périmètre où ceux-ci eussent été comme parqués. Les colons protestèrent ; n’était-ce pas, en effet, aviver et comme organiser la rivalité des deux populations, le plus grand des périls que nous eussions à redouter.

La troisième République devait installer le régime civil, mais c’est encore la politique d’assimilation après la politique de conquête. La grande insurrection de 1871 précipite le régime d’administration directe ; la colonie devient à nouveau le prolongement de la Métropole ; les colons sont, ainsi, récompensés. Cette politique va subsister jusqu’en 1914 ; elle renfermait, toutefois, une lourde erreur initiale : n’était-il pas illogique d’appliquer à l’Algérie, terre d’Afrique, toute la législation française, et rien qu’elle, dans un milieu indigène alors réfractaire à la moindre pénétration, tandis qu’une population étrangère, encore insuffisamment venue à nous, grandissait à vue d’œil ? Pour encourager la colonisation, on exempta la propriété agricole européenne, mais dans une telle mesure que cette politique fiscale fut exploitée contre les colons par ceux qui, dans la Métropole, entendaient protéger les indigènes. On essaya d’y porter remède et on se mit en mesure de développer les libertés coloniales, tout en évitant les déceptions auxquelles pouvait conduire une politique prématurée que redoutaient nombre de bons esprits. Cette évolution débuta en 1891, sous le gouvernement de M Jules Cambon : elle fut le déclin de la politique d’assimilation que l’on appelait alors la politique des rattachements. Mais l’Algérie continuait de relever du ministère de l’Intérieur, la Métropole affirmant sa volonté de ne comprendre, à aucun moment, nos trois départements algériens dans les cadres de l’administration coloniale, tandis que la Tunisie et le Maroc continueraient de relever du ministère des Affaires étrangères. On témoignait là d’une réelle connaissance de l’Afrique du Nord en réservant,