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les plus dévoués serviteurs de la dynastie ? Ou bien encore, se sentant perdu, « abandonné de Dieu, » a-t-il voulu résumer, dans un acte suprême, dans une sorte de testament politique, les motifs de grandeur et de dignité nationales qui ont imposé au peuple russe l’épreuve de cette guerre ? J’incline beaucoup à cette dernière hypothèse.

Les Roumains n’ont pu encore équilibrer la poussée austro-allemande ; ils continuent de battre en retraite vers le Séreth.



Mercredi, 27 décembre.

Une conférence des Alliés doit se réunir à Pétrograd vers la fin de janvier. Les représentants du Gouvernement français seront Doumergue, sénateur, ancien président du Conseil, ancien ministre des Affaires étrangères, et le général de Castelnau.

En vue des instructions dont nos délégués seront munis, je communique à Briand quelques idées personnelles. Après lui avoir confirmé que l’Empereur est toujours résolu à poursuivre la guerre, j’expose que la fixité de ses intentions ne constitue pas, cependant, à notre égard, une caution suffisante.

Dans la pratique, l’Empereur est continuellement en faute. Soit qu’il cède par faiblesse aux objurgations de l’Impératrice, soit qu’il n’ait ni l’intelligence, ni la volonté assez fortes pour dominer sa bureaucratie, il accomplit ou il laisse s’accomplir à chaque instant des actes qui contredisent sa politique.

Au point de vue intérieur, il abandonne la direction de l’esprit public à des ministres notoirement compromis en faveur de l’Allemagne, tels que M. Sturmer et M. Protopopow, sans compter le foyer d’intrigues germaniques qu’il tolère dans son propre palais. Au point de vue économique et industriel, il accorde sa signature à tout ce qu’on lui propose. Et, lorsqu’un Gouvernement étranger a obtenu de lui une promesse qui gêne son administration, c’est un jeu pour celle-ci de lui faire ratifier une décision qui annule indirectement cette promesse.

Au point de vue militaire, l’affaire de Roumanie est typique. Voilà plus de six mois que le Président de la République, le Roi George, les ambassadeurs de France et d’Angleterre lui répètent que la partie engagée sur les bords du Danube est décisive, que la Russie est la première intéressée à s’ouvrir la voie de Sofia,