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ne plus laisser mettre en doute ses volontés, que vous connaissez ; elle m’a donné, à cet égard, les instructions les plus catégoriques ; elle m’a même chargé de lui soumettre sans retard un projet de manifeste pour faire connaître à l’armée que l’Allemagne demande la paix.

Nous parlons ensuite de la réponse qu’il faudra faire à la note de la coalition germanique. Sans avoir arrêté encore son opinion à ce sujet, Pokrowsky estime que la situation militaire ou, comme disent les Allemands, « la carte de guerre, » ne nous permet pas encore de préciser nos intentions et que nous ferons sagement de nous en tenir à des termes généraux, tels que « réparations matérielles et morales..., garanties politiques et économiques, etc. »



Lundi, 18 décembre.

B..., qui observe d’assez près le mouvement ouvrier, me signale chez les chefs des groupes socialistes la tendance croissante à s’affranchir de la Douma et à organiser leur programme d’action en dehors des voies légales. Tcheidzé et Kérensky répètent : « Les cadets ne comprennent rien au prolétariat. Il n’y a rien à faire avec eux ! »

Actuellement, ces chefs dirigent leur principal effort de propagande sur l’armée, en lui démontrant qu’elle a intérêt à se liguer avec les ouvriers pour assurer aux paysans, dont elle est l’émanation directe, le triomphe de leurs revendications agraires. On distribue donc à profusion dans les casernes des brochures sur le thème classique : « La terre appartient aux travailleurs agricoles. Elle leur revient de plein droit, et, par suite, sans rachat ; on ne rachète pas une propriété dont on a été frustré. La révolution seule peut accomplir cette grande réparation sociale »

Je demande à B... si la doctrine « défaitiste » du fameux Lénine, réfugié à Genève, tend à se répandre dans l’armée :

— Non, me dit-il ; cette doctrine n’est guère soutenue ici que par quelques forcenés, qu’on suppose aux gages de l’Allemagne... ou de l’Okhrana. Les « défaitistes » ou porajentzy, comme on les appelle, ne constituent qu’une infime minorité dans le parti social-démocrate.


Entre la Meuse et la Woèvre, les Français ont pris, le