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Mais la phrase relative à Constantinople tombe dans le vide, un vide fait d’indifférence et de surprise.

Lorsque Trépow a terminé sa lecture, la séance est suspendue. Les députés se répandent dans les couloirs. Je rentre à l’ambassade.

On me rapporte, ce soir, que la suite de la séance a été marquée par deux discours, aussi imprévus que violents, des deux leaders de la droite, le comte Wladimir Bobrinsky et Pourichkiéwitch. A la stupeur de leurs coreligionnaires politiques, ils ont chargé à fond de train « contre les puissances occultes, qui déshonorent et perdent la Russie. » Pourichkiéwitch s’est même écrié : « Il ne faut plus que la recommandation d’un Raspoutine suffise pour élever aux fonctions les plus hautes les êtres les plus abjects. Raspoutine est aujourd’hui plus dangereux que ne fut jadis le faux Dimitry... Debout, messieurs les ministres ! Si vous êtes de vrais patriotes, allez à la Stavka ; jetez-vous aux pieds du Tsar ; ayez le courage de lui dire que la crise intérieure ne peut se prolonger, que le courroux populaire gronde, que la révolution est menaçante et qu’un obscur moujik ne doit pas gouverner plus longtemps la Russie !... »



Dimanche, 3 décembre.

La position de Trépow est fort délicate. D’une part, il reconnaît l’impossibilité de gouverner ou plutôt de pratiquer loyalement la politique de l’Alliance, tant que la direction de l’esprit public et des forces policières demeurera entre les mains de Protopopow. D’autre part, fermement attaché au statut légal de l’Empire, il dénie à la Douma le droit d’intervenir dans l’exercice des prérogatives souveraines, dont l’une des plus importantes est assurément le choix des ministres.

Aussi, le conflit du Gouvernement et de la Douma nous réserve plus d’un incident fâcheux.



Lundi, 4 décembre.

Le paragraphe de la déclaration ministérielle, relatif à Constantinople, n’a pas éveillé plus d’écho dans le public qu’à la Douma. C’est le même effet d’indifférence et d’étonnement,