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mutinerie du quartier de Vyborg. Mais je ne crois pas qu’on ait, comme vous dites, l’intention d’envoyer sur le front les mauvais régiments pour les remplacer par des unités solides... A mon sens, voilà longtemps qu’on aurait dû expurger les troupes qui gardent la capitale. D’abord, elles sont beaucoup trop nombreuses. Savez-vous bien, monsieur l’ambassadeur, qu’à Pétrograd et dans la banlieue, c’est-à-dire à Tsarskoïé-Sélo, Pavlosk, Gatchina, Krasnoïé-Sélo et Péterhof, il n’y a pas moins de 240 000 hommes ? Ils ne manœuvrent presque pas ; ils sont mal commandés ; ils s’ennuient et se débauchent ; ils ne servent à rien qu’à fournir des cadres et des recrues à l’anarchie. On ne devrait conserver à Pétrograd qu’une quarantaine de mille hommes choisis parmi les meilleurs éléments de la Garde et 20 000 cosaques. Avec cette élite, on serait en mesure de parer à tous les événements. Sinon...

Il s’arrête, les lèvres balbutiantes, le visage très ému. Je le presse amicalement de poursuivre. Il reprend avec gravité :

— Si Dieu ne nous épargne pas la révolution, ce n’est pas le peuple qui la déchaînera, c’est l’armée...



Mardi, 21 novembre.

La pratique des sciences occultes a toujours été en faveur parmi les Russes ; depuis Swedenborg et la baronne de Krüdener, tous les spirites et tous les illuminés, tous les magnétiseurs et tous les devins, tous les pontifes de l’ésotérisme et de la thaumaturgie ont trouvé, sur les bords de la Néwa, un accueil sympathique.

En l’année 1900, le rénovateur de l’hermétisme français, le mage Papus, qui s’appelait de son vrai nom le docteur Encausse, était venu à Saint-Pétersbourg, où il s’était bientôt créé une clientèle fervente. On l’y avait revu à plusieurs reprises, les années suivantes, pendant le séjour de son grand ami, le thérapeute Philippe de Lyon ; l’Empereur et l’Impératrice l’honoraient de toute leur confiance ; sa dernière visite datait de février 1906.

Or, les journaux, qui nous sont récemment arrivés de France à travers les pays scandinaves, annoncent que Papus est mort le 26 octobre.

J’avoue que la nouvelle n’avait pas fixé un instant mon