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anglais, allemands, russes, qui deviendraient les maîtres des marchés de l’Europe centrale et orientale. Peut-être la Conférence de Gênes aura-t-elle cette vertu de faire comprendre à l’opinion française toutes les garanties que notre pays peut trouver dans le pacte, si imparfait soit-il, de la Société des Nations.

Les alarmes de la presse libérale-radicale anglaise, les attaques de journaux tels que la Westminster Gazette qui, le 14, s’aventurant sur le terrain réservé de la politique intérieure, n’a pas craint d’écrire : « Il n’y a pas de réel espoir pour la restauration de l’Europe tant qu’on n’aura pas un Parlement français d’une autre mentalité, » ont l’avantage de dissiper toute équivoque ; si l’on cherche à faire croire à l’Empire britannique, à l’Europe, aux Amériques, que la France, par son intransigeance, est responsable du désordre général, la raison vraie c’est que la France, après son rôle dans la guerre, a pris une place trop grande parmi les nations en face d’une Allemagne trop affaiblie, qu’après tout l’intérêt britannique est que la France ne soit pas sur le Rhin, qu’elle ne soit pas l’alliée de la Belgique ; l’émiettement politique n’est pas désavantageux à l’Angleterre, pourvu que la puissance de production et la capacité d’absorption du continent n’en soient pas amoindries. Alors on cherche à renverser le problème : au lieu de travailler au rétablissement de l’ordre en commençant par la réparation des dommages et l’exécution des traités, on se flatte d’y parvenir en restreignant le champ d’action et la puissance de rayonnement de la France victorieuse.

Pour parler, comme on ose le faire, des ambitions de la France, pour l’accuser d’aspirer à l’hégémonie de l’Europe et de s’opposer à la reconstruction économique de la Russie et de l’Allemagne, il faut bien mal connaître le peuple français tel qu’il a été dans la bataille, tel qu’il reste après la victoire, acharné à son labeur pacifique, aux champs, à l’usine, dans les sciences, les arts ou les lettres, enclin, trop enclin peut-être, à oublier les agressions et les injures pourvu que soient tant bien que mal réparés les dommages, indulgent dans sa force, respectueux des droits des autres, exempt d’envie et de jalousie parce que sa gloire lui suffit. Certes, la grande masse du peuple anglais ne partage pas les préventions et n’écoute pas les calomnies de quelques fauteurs de discorde. Ceux qui ont combattu en France et les parents de ceux qui y sont tombés savent de quel côté sont leurs ennemis, les ennemis de la paix et de l’ordre européen, et ils seraient prêts à acquiescer au jugement, si juste et qui porte si loin, de M. Poincaré dans sa dernière note : « Le rétablissement