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La note française envisage encore les moyens d’assurer la reconnaissance des dettes, de faciliter les échanges commerciaux, de prévenir toute propagande révolutionnaire. La sixième condition de Cannes est « l’engagement de s’abstenir de toute agression sur les pays voisins ; » cette clause n’exclut pas l’action de coercition qui, en vertu des traités, peut devenir nécessaire, si l’Allemagne manquait à son obligation de réparer et qu’elle s’est, par avance, engagée à ne pas considérer comme une agression. D’ailleurs, le règlement des différends qui peuvent survenir entre les États est prévu avec précision dans le pacte de la Société des Nations, ce qui n’exclut pas des ententes spéciales entre États ou groupes d’États, — tels que les États de la Petite Entente, — pour le maintien de leur intégrité territoriale. En terminant, M. Poincaré insiste sur la complexité des questions qui devraient être abordées à Gênes, questions financières, économiques, commerciales, transports et, s’il s’agit de la Russie, « établissement de tout un ordre économique nouveau, ou plutôt rétablissement de tout un ordre économique ancien. » Pour une telle œuvre, un travail préparatoire d’experts est indispensable et ne saurait être mené à bien en quelques jours ; trois mois au moins paraissent nécessaires.

Telle est, en substance, la note de M. Poincaré. Dans la confusion générale, elle a produit, par son ton mesuré, par la force logique de ses arguments, l’effet salutaire d’un rappel au bon sens ; nous ne connaissons pas encore les réponses des Gouvernements, mais la réaction sur l’opinion et la presse est significative. Les hésitations ont disparu ; deux partis bien tranchés se dessinent : d’un côté, ceux qui souhaitent la reconstruction économique et financière de l’Europe, mais qui ne croient pas que le plus sûr moyen de l’obtenir soit de commencer par la ruine des traités et la négation du droit international, qui estiment au contraire que les pires dangers pour la paix et l’ordre sortiraient d’une Conférence très nombreuse, très passionnée, si elle se réunissait sans plan préalablement établi et strictement délimité. De l’autre côté, on retrouve, avec quelques idéologues, tous ceux qui ont intérêt à la destruction des traités issus de leur défaite ou qui, pour se prolonger eux-mêmes au pouvoir, cherchent toutes les occasions de jeter le trouble et de semer la révolution. La barricade, depuis l’armistice, n’a pas changé déplace ; il s’agit toujours de sauver la civilisation de l’assaut suprême de la barbarie.

En Angleterre et en Amérique, la plus grande partie de la presse a rendu hommage au ferme esprit de prévoyance et de justice, et à la modération de la note française. Le Times du 16 déclare même ne rien