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Gênes et de la collaboration des délégués du Reich et des Soviets, le retour à la paix, à la prospérité, au bonheur universel.

Il était temps que le bon sens et la clarté logique d’un homme d’État remît les choses au point et chacun dans son rôle. C’est ce qu’a fait M. Poincaré, dans la note remise à Londres le 6 février et publiée le 9, avec une vigueur de dialectique et un accent de droiture qui ont frappé même les esprits les plus réfractaires à la froide raison. Le Président du Conseil a pris une position singulièrement forte. La signature de M. Briand a engagé le Gouvernement français, mais il ne saurait participer à la Conférence de Gênes que dans des conditions qui le garantissent contre les surprises qui surgiraient infailliblement des débats si les Puissances de l’Entente s’y rendaient sans programme étudié, sans ordre du jour préalablement arrêté. Moins on lâchera la bride aux improvisations, moins on permettra aux grandiloquentes utopies de se produire aux dépens des réalités pratiques, plus la Conférence a de chances d’aboutir à des résultats utiles. La France, déclare M. Poincaré, reste libre de ne pas aller à la Conférence si ses droits devaient y être discutés ou ses intérêts compromis. Il faut d’abord que tous les Gouvernements acceptent explicitement les conditions formulées le 6 janvier. Il est indispensable que les Alliés s’entendent non seulement sur les principes, mais sur la mise en pratique de ces principes, afin de prévenir toute tentative des Puissances invitées pour « passer par les fissures du programme. » La restriction inscrite à l’article 3 de la résolution de Cannes, « sans porter atteinte aux traités existants, » s’applique à tout l’ensemble du programme et doit dominer les débats de Gênes. « Les traités issus de la Conférence de la paix constituent le droit public européen ; il n’y saurait être porté atteinte sans troubler profondément la paix de l’Europe. » La Conférence de Gênes ne doit pas non plus se substituer à la Société des Nations dans le rôle qui lui incombe. Les États qui ne sont pas signataires des traités ne sauraient être admis à en discuter les clauses.

Le respect de la souveraineté des États, inscrit en tête de la résolution de Cannes, ne saurait, — précise M. Poincaré, — impliquer que les Alliés n’auraient pas le droit d’intervenir si une monarchie militaire venait à être restaurée en Allemagne ou en Hongrie ; d’autre part, dans les pays qui ont, comme la Russie, détruit toutes les garanties pour les personnes et les biens en vigueur dans les pays civilisés, il faudra bien recourir, pour les étrangers, à « des stipulations internationales apportant des éléments spéciaux de sécurité, » c’est-à-dire à une sorte de « régime des capitulations. »