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apporte'' ? Et la plupart des fautes qu’il commet contre l’irréfutable grammaire sont des fautes de négligence. Je lui en veux et l’invite à considérer que nul écrivain ne doit refuser le précepte de Quintilien : Grammatices amor vitæ spatio terminetur ; c’est à savoir que ton amour de la grammaire n’a d’autre terme, si tu es sage, que le terme de ta vie.

En outre, M. Giraudoux a une singularité naturelle qui surprend, qui déconcerte et qui demande un peu d’explication probablement.

Nous allons l’interroger, noter quelques-unes de ses déclarations évasives ou quelques-uns de ses aveux. Un personnage de L’Ecole des indifférents, Jacques l’égoïste, dit : « J’avais la passion de tout ce qui est lointain, caressant, imprécis. Un mot abstrait me donnait je ne sais quel vertige. Au nom seul du Jour, je le sentais onduler silencieusement entre ses deux nuits comme un cygne aux ailes noires. Au nom seul du Mois, je le voyais s’échafauder, arc-bouté sur ses Jeudis et ses Dimanches. Je voyais les Saisons, les Vertus marcher en groupes, dormir par dortoirs. » Les idées abstraites, qu’il aime, deviennent aussitôt concrètes, deviennent des images. Il ajoute : « J’avais pour le monde entier la tendresse et l’indulgence qu’inspirent les allégories. » Qu’est-ce en effet qu’une allégorie ? Une image d’idées.

Considérer le monde comme une allégorie est à la fois une opinion philosophique et une habitude mentale qui aujourd’hui semblent bizarres, mais que toute une époque française avait adoptées, le moyen âge. Les écrits de cette époque sont pleins d’allégories, à un tel point qu’ils en deviennent fastidieux. L’on dirait d’une extraordinaire surcharge d’ornements littéraires, parmi lesquels on ne dégage point aisément la pensée de l’auteur. Si l’on y regarde, on s’aperçoit que ces ornements sont l’idée même, l’idée qui ne s’exprime pas toute seule et qui ne se montre jamais que sous le vêtement d’une image.

En d’autres temps, l’allégorie est un ornement de l’ouvrage, poésie ou peinture. Les poètes et les artistes du moyen âge ont cru l’allégorie réelle.

Comment se fît cette croyance ? Ils admettaient, selon la foi. que l’Ancien Testament préfigure le Nouveau Testament ; et, aux portails ou aux vitraux des cathédrales, ne juchaient-ils pas les apôtres sur les épaules des prophètes ? Ils admettaient que les cieux racontent la gloire de Dieu : les cieux et l’univers entier. Ce n’est pas à dire seulement que la beauté des cieux et l’harmonie de l’univers attestent le