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usage, mais la loi religieuse ne les y a jamais contraintes.

« Dans la vie publique, religieuse ou civile, l’Islam n’établit aucune différence entre les deux sexes. Toutes les magistratures peuvent être exercées par les femmes : rien n’empêche une femme d’être cadi (juge) ou imam (prêtre) : toutefois, dans ce dernier cas, les femmes ne sauraient diriger le rite religieux que pour leur sexe. L’Islam ne réserve expressément à l’homme qu’une dignité : celle de Calife. En revanche, une femme peut être prophète... »

A ces mots, l’auditoire, qui jusqu’alors était demeuré fort calme, manifesta subitement une extrême agitation. Il paraît que la dernière affirmation du professeur était hardie, peut-être hérétique. Une vive discussion s’engagea. D’un côté, l’on tenait que la dignité de prophète était réservée aux hommes ; de l’autre, on invoquait l’exemple de « Marie, mère de Jésus, » qui est vénérée comme prophète par les croyants. Finalement, on se mit d’accord sur cette-formule, il que la femme peut être prophète, mais non prophète envoyé de Dieu. »

Nous étions désormais, du moins à mon avis, bien loin de notre argument. J’essayai pourtant d’y revenir en demandant si la femme musulmane semblait destinée à jouer un rôle dans la politique. « Nos lois, — me fut-il répondu, — ne donnent là- dessus aucune indication, car elles ne sont en cette matière qu’une imitation de celles de l’Occident. Mais rien, dans la doctrine islamique, ne s’oppose à ce qu’une femme soit électeur ou éligible. Cela est d’ailleurs sans importance. L’essentiel est que les femmes sortent de l’ignorance où elles furent trop longtemps maintenues : or elles s’instruisent de plus en plus, dans toutes les classes ; de plus en plus elles veillent à l’éducation des enfants, et tendent ainsi à devenir un excellent élément de conservation sociale et religieuse. »

Je m’abstins de toute question sur la polygamie, sachant qu’il déplaît aux Turcs de discuter cette question avec les Occidentaux, et que d’ailleurs, pour des raisons morales et surtout économiques, la coutume d’avoir plusieurs femmes tend à disparaître. Mais je voulus savoir s’il était vrai, comme je l’avais lu dans le récit d’un voyageur, que les femmes, en pays musulman, fussent enterrées plus profondément que les hommes, et qu’on entendît marquer ainsi qu’elles auront plus de peine à gagner le paradis. A cette demande, les docteurs, tout à l’heure