Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et la situation d’une femme divorcée était des plus pénibles.

— La fréquence des divorces est, en effet, une des choses qui m’ont le plus frappé ici. Je calculais, l’autre jour, que, dans mon groupe de société, plus de la moitié des ménages compte un ou deux époux divorcés... Avez-vous remarqué, madame, que l’aventure d’Anna Karénine ne se comprend plus aujourd’hui ? Et pourtant, l’œuvre, je crois, ne date que de 1876 ! Aujourd’hui, Anna aurait immédiatement divorcé pour se remarier avec Vronsky, et le roman en serait resté là.

— C’est vrai !... Vous mesurez ainsi quelle plaie sociale est devenu le divorce.

— Mais le Saint-Synode n’en est-il pas grandement responsable ? Car, enfin, c’est de lui et de lui seul que dépendent les divorces.

— Hélas ! le Saint-Synode lui-même n’est plus la grande autorité morale qu’il était jadis.

Le dîner s’achève. Nous sommes restés plus d’une heure à table.

Au fumoir, j’entreprends Sturmer sur les grèves et les incidents de cet après-midi. Mais sa réception le rend si joyeux et si fier que je ne réussis pas à entamer son optimisme.


MAURICE PALÉOLOGUE.